Le génocide nazi et les négationnistes
Bernard Comte
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II - L'ENTREPRISE NEGATIONNISTE
A - Les auteurs
Paul Rassinier (1906-1967)
Instituteur puis professeur d'histoire et géographie, il a été communiste puis socialiste, favorable à Munich puis résistant, arrêté en 1943 et déporté (Buchenwald, Dora).
Il publie Le mensonge d'Ulysse (1950), se lie à des milieux d'extrême-droite (cf M. Bardèche, Nuremberg ou la Terre promise 1948), et à Rivarol. Il nie le "prétendu génocide" ("la plus tragique et la plus macabre imposture de tous les temps"), qui s'explique par un complot juif international, et calcule (Le Drame des Juifs européens) que plus de 3 millions des prétendus exterminés ont survécu, cachés en Europe de l'Est, puis enfuis ailleurs17... Cf, Le véritable Procès Eichmann ou les Vainqueurs incorrigibles.
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Robert Faurisson
Universitaire18, spécialiste de littérature française, docteur d'Etat (A-t-on lu Lautréamont ? 1972), maître de conférences à Lyon II en 1973, auteur d'études critiques sur le texte de Rimbaud et sur celui des Chimères de Nerval. Ayant découvert Rassinier en 1960, il mène dans les années 1970 une "enquête" personnelle sur les chambres à gaz, conclut à leur non-existence. La presse fait connaître ces thèses en novembre 1978 (Le Matin, Libération). Le Monde publie (19 et 30 décembre 1978) un dossier qui s'ouvre sur un texte de R. Faurisson "Le problème des chambres à gaz ou la rumeur d'Auschwitz" auquel répondent plusieurs historiens. Emotion. Les enseignements de R. Faurisson sont suspendus, et il est mis à la disposition du Centre national de téléenseignement (mai 1979). Polémiques et procès en série.
R.F. publie Mémoire en défense contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire (1980) puis Réponse à Pierre Vidal-Naquet (1982) après l'article de celui-ci "Un Eichmann de papier"19 (Esprit, septembre 1980), ainsi que de nombreux tracts et opuscules puis un périodique Annales d'histoire révisionniste (1987) aux éditions "La Vieille Taupe" de Pierre Guillaume20.
R.F sera condamné à Paris (juillet 1981) pour diffamation raciale, pour la phrase prononcée à Europe 1 le 16 décembre 1980, qui, dit-il, résume toute sa pensée :
« Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des Juifs forment un seul et même mensonge historique qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière, dont les principaux bénéficiaires sont l'État d'Israël et le sionisme international, et dont les principales victimes sont le peuple allemand -- mais non pas ses dirigeants et le peuple palestinien tout entier ».
Le "révisionnisme" de R.F. consiste essentiellement à nier l'existence de chambres à gaz homicides, en déclarant n'avoir pas trouvé le moindre commencement de preuve de leur existence, et en affirmant accessoirement « Hitler n'a jamais ordonné ni admis que quiconque fût tué en raison de sa race et de sa religion. Je ne cherche à outrager ni à réhabiliter personne »21.
Réponse lui a été faite aussitôt par F. Delpech, historien lyonnais (textes publiés dans Historiens et géographes, mai juin 1979 et Sur les Juifs, Presses Universitaires de Lyon, 1983), par G. Wellers, P. Vidal-Naquet et plus récemment M. Steinberg (voir Bibliographie).
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L'école "révisionniste"
Elle est soutenue en France par La Vieille Taupe, librairie "anarcho-marxiste" devenue favorable depuis 1970 aux thèses de Rassinier22 (par hostilité à la fois au stalinisme soviétique, au capitalisme occidental et au sionisme ?), qui publie également : Serge Thion, Vérité historique ou vérité politique ? Le dossier de l'affaire Faurisson23 (1980).
W. Stäglich, Le mythe d'Auschwitz,1986.
La thèse de doctorat d'Henri Roques24 sur les "Confessions" de Kurt Gerstein, soutenue à Nantes le 15 juin 1985 et annulée par le ministre Devaquet en juillet 198625, a été publiée par A. Chelain, Faut-il fusiller Henri Roques, Ogmios Diffusion26, Paris, 1986.
Grande activité en Grande-Bretagne et surtout aux Etats-Unis avec le périodique The Journal of historical Review27 (1980), les publications de A. Butz28 The Hoax of the Twentieth Century (1974) et de R. E. Harwood29 "Did Six Millions really die ?" (Historical Review press, Richmond). Elle tient congrès à Los Angeles régulièrement depuis 197930.
Notes.
17. Nous consacrons, sur PHDN, une section entière à Rassinier: http://www.phdn.org/negation/rassinier/. Pour une étude détaillée des mensonges et des délires de Paul Rassinier et de son parcours, voir Florent Brayard, Comment l'idée vint à M. Rassinier, Fayard, 1996. On pourra également, dans un premier temps, se reporter à la notice biographique que lui consacre Nadine Fresco dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, publié sous la direction de Jean Maitron, Les Éditions Ouvrières, 1991, pp. 394-395; sur le web: http://www.anti-rev.org/textes/Fresco91a/. Pour une étude exemplaire du destin de Rassinier, et de la façon dont il l'a falsifié dans ses récits, voir Nadine Fresco, Fabrication d'un antisémite, Seuil, 1999.
18. Nous consacrons, sur PHDN, une section entière à Faurisson. Sur Faurisson et sa « méthode », voir notamment Nadine Fresco, « Les redresseurs de morts », Les Temps Modernes n° 407, juin 1980; sur le web: http://www.anti-rev.org/textes/Fresco80a/. On rappellera ici néanmoins que, contrairement à ce qu'avancent régulièrement d'autres négationnistes, Faurisson, grand défenseur des pamphlets antisémites de Céline, n'est plus (s'il le fut jamais), un homme de gauche depuis au moins 35 ans, et qu'il fréquente assidûment depuis longtemps les chefs des groupes hitlériens et les rescapés du national-socialisme historique. Voir Jean-Yves Camus et René Monzat, Les droites nationales et radicales en France, Presses universitaires de Lyon, 1992, p. 21, 82-83.
19. Publié également dans Pierre Vidal-Naquet, Les assassins de la mémoire, Seuil, Points Essais,1987.
20. Issu de l'« ultra-gauche », Pierre Guillaume, établit depuis longtemps sa table de vente dans toutes les manifestations d'extrême droite, milieu dans lequel il finit par évoluer exclusivement. Voir Jean-Yves Camus et René Monzat, Les droites nationales et radicales en France, op. cit., p. 84-85.
21. Il est fait justice de telles aberrations dans l'ouvrage de Gerald Fleming, Hitler et la solution finale, traduit par Catherine Aragon, Juillard, 1988. Voir notamment les propres déclarations d'intentions de Hitler sur ce sujet: http://www.phdn.org/negation/documents/volonte.html#hitler.
22. Pour comprendre quel chemin pas si tortueux que ça a pu ammener quelques ultra-gauchistes au négationnisme, voir Nadine Fresco, « Parcours du ressentiment », Lignes n° 2, février 1988. Voir aussi Alain Finkielkraut, L'avenir d'une négation, Éd. du Seuil, 1982. Pour comprendre à quel genre d'« allumés » on a affaire avec les membres "ultra-gauchistes" de la secte négationniste, il faut réaliser que l'une de leur motivation pour rejeter fanatiquement le Génocide, est que celui-ci ne rentre pas dans la grille de lecture marxiste: « Le révisionnisme rejette à la fois l'idée et le fait du génocide comme impossibilités matérielles parce que le génocide est surtout une imposssibilité idéologique. », Revue d'Histoire(sic) révisionniste, n°1, p. 39. Autrement dit : c'est impossible parce que c'est impossible...
23. Serge Thion, vient lui aussi de la nébuleuse Vieille Taupe, mais surtout de l'anticolonialisme féroce. Cela l'a conduit à un antisionnisme encore plus féroce, d'où il a basculé dans un antisémitisme et un négationnisme fanatiques. Il est néanmoins le plus "policé" et le plus intelligent, c'est-à-dire le plus pervers des négationnistes. Le titre de son ouvrage reprend explicitement celui d'une tournée de conférences effectuée en Allemagne par Rassinier en 1960 devant des parterres d'anciens nazis. Voir Florent Brayard, Comment l'idée vint à M. Rassinier, op. cit., pp. 281.
24. Henri Roques est un pilier de l'extrême droite française: il fut secrétaire général de la Phalange française, un mouvement néo-fasciste (1955-1958), il a participé (1956) au meeting inaugural de la Deutsche Soziale Union, fondée par Otto Strasser qui fut pendant 10 ans un compagnon de Hitler au sein du parti nazi, etc. Voir Jean-Yves Camus et René Monzat, Les droites nationales et radicales en France, op. cit., pp. 96-97.
25. Concernant tant la forme que le fond de cette "thèse" (en lettres!) et de sa scandaleuse soutenance, voir le percutant et indispensable ouvrage de Pierre Bridonneau, Oui, il faut parler des négationnistes, Cerf, 1997.
26. Ogmios, à la fois librairie (à l'époque) et équipe de militants est « proche à la fois des néo-nazis et des anciens SS et de la Nouvelle Droite ». « D'emblée la librairie se spécialisa dans les écrits nationaux-socialistes et antisémites » écrivent René Monzat et Jean-Yves Camus dans Les droites nationales et radicales en France, op. cit., p. 452.
27. Il s'agit de la revue trimestrielle de l'Institute for Historical Review (IHR) « sorte de QG de l'internationale "révisionniste" tenu par des individus qui tentent d'expliquer à leurs concitoyens que les USA ont été impliqués dans deux guerres mondiales à cause des banquiers juifs, des francs-maçons et des communistes [...] Y foisonnent les signatures d'anciens SS et de militants d'extrême droite. »: Thierry Maricourt, Les nouvelles passerelles de l'extrême droite, Éditions Syllepse, 1997, p. 114. Voir aussi, Deborah Lipstadt, Denying the Holocaust,, Plume, 1994, pp. 137-156. Ou encore http://www.phdn.org/negation/faurisson/ihr.html
28. Sur Butz, professeur en ingénierie électrique, voir Deborah Lipstadt, Denying the Holocaust,, Plume, 1994, pp. 123-136.
29. Richard Harwood est un pseudonyme de Richard Verral, rédacteur en chef de Spearhead, organe du très britannique, très raciste, très antisémite et tout à fait néo-fasciste National Front. Affilié à plusieurs groupuscules de défense de la "pureté raciale", il a déclaré publiquement que le génocide faisait partie de l'ensemble de la propagande juive, que l'on vivait sous domination juive, etc. De surcroit il a menti sur ses affilations universitaires. Voir Deborah Lipstadt, Denying the Holocaust,, Plume, 1994, pp. 104-107, 110. Notons que bien que les affirmations d'Harwood aient été réfutées formellement en 1979 (New Statesman, Nov, 2 1979, p. 670), ses écrits n'en continuent pas moins à être cités parce qu'il leur a donné l'apparence d'un travail universitaire. Ce genre de travestissement est devenu par la suite systématique chez les négationnistes. Revues aux jaquettes élégantes, éditions soignées, notes de bas de page, etc. Mais il s'agit toujours du même contenu tissé de falsifications négationistes.
30. Faurisson est évidemment un assidu de ces "congrès" organisés par l'IHR, devant un public principalement néo-nazi...
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23/04/2002
TEXTE REPRIS DU SITE http://www.phdn.org/negation/comte/IIA.html
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