lundi 26 mars 2007

LE NEGATIONISME SUR INTERNET

Le Négationnisme sur Internet
Genèse, stratégies, antidotes
Par Gilles Karmasyn,
en collaboration avec Gérard Panczer et Michel Fingerhut
Revue d'histoire de la Shoah, no 170, sept-déc. 2000

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Les forums francophonesSommaire de l'articleLes sites web négationnistes

6. Premiers sites web racistes
Le World Wide Web: enjeu et instrument privilégié de la propagande négationniste.

Le World Wide Web est devenu pour beaucoup un synonyme d'Internet. L'« explosion » du Web date de 1994-1995. Dès lors, on voit apparaître, comme des champignons après la pluie, un nombre croissant de sites extrémistes émanant d'individus, de groupuscules ou d'associations, dont la propagande trouve ainsi son principal mode de diffusion publique et de visibilité. D'abord aux États-Unis et principalement nationalistes et racistes (suprémacistes blancs76 principalement, et incidemment antisémites), ils s'étendent à d'autres pays (Canada, Europe du Nord) sous couvert de liberté d'expression, nourris de « mythes aryens » à tendance plus antisémite, négationniste et philo-germanique, puis servent d'asile à des courants de pensée amis dans leur racisme (et parfois à l'opposée sur l'éventail politique), venant de pays dans lesquels des lois interdisent ce genre d'expression, principalement de France et d'Allemagne.

Le premier site web ouvertement néo-nazi, et aujourd'hui encore l'un des principaux, apparaît en mars 1995, celui du Stormfront, fondé par Don Black77, un ancien dirigeant du Ku Klux Klan. Le design graphique en évoque ouvertement la symbolique nazie. Le contenu également, qui vise à la « préservation de la race blanche ». Dialectique nazie, mais aussi rubriques négationnistes sont au programme78. Depuis, tous les extrémismes ont leurs sites web. Si le nombre exact de tel sites, qui n'est pas la meilleure mesure de leur impact, est difficile à connaître avec précision, il se monte sans doute à plusieurs centaines, voire un peu plus d'un millier79. Certaines catégories nous intéressent ici plus particulièrement.
Sites nationalistes, skinheads, néo-nazis...

Ils représentent la grande majorité des sites extrémistes. S'ils comprennent assez souvent des éléments antisémites (la plupart du temps de tendance pathologiquement paranoïaque80) et négationnistes, ils se contentent le plus souvent de renvoyer, par des liens, aux sites web spécifiquement négationnistes81. On évitera ici de dresser un bestiaire de ces sites en majorité anglo-saxons, pour cependant nous intéresser à leur composante francophone.

On trouve peu de sites nationalistes franco-français, et la plupart sont assez discrets et réservés, quand bien même ils sont situés hors du territoire français. Par un détournement de vocabulaire, ils qualifient de « génocide européen », « génocide volontairement caché » et « ethnocide82 » la baisse de natalité en France, voire l'immigration83. Le « devoir de mémoire84 » s'applique à « la liste des méfaits perpétrés par Israël à l'encontre du peuple palestinien », etc.

Un réseau créé par le référencement mutuel de sites de ce type relie ainsi d'autres groupes d'extrême droite français ou francophones présents sur l'Internet, parmi lesques on citera: Le libre journal de la France courtoise, de Serge de Beketch; Le Flambeau, organe du PNFE, Terre et peuple, le site de l'idéologue néo-païen Pierre Vial85, Le site des résistants au Nouvel Ordre Mondial86, Devenir, revue nationaliste-révolutionnaire (belge) d'information et de formation, antisioniste et ouvertement, Unité Radicale, de mouvance « nationale révolutionnaire, particulièrement venimeux et volumineux, et enfin Fraction Hard-Core Identitaire.

Ce dernier groupe, fondé en 1994 à Nice, est composé de cinq musiciens de « rock hard core, death, black metal » et nationaliste, et se définit ainsi: « Aux confins du nouvel ordre mondial, dominé par le lobby américano-sioniste, une fraction d'insoumis s'est regroupée derrière l'étendard identitaire. Renégats du système, ils ont engagé une lutte sans merci contre ses plus fidèles serviteurs. [...] Nos principales références restent toutefois Sorel, Blanqui, Drieu la Rochelle, Jûnger, les frères Strasser sans oublier Che Guevara et le sous-commandant Marcos ».

On peut les rapprocher des groupes carrément violents, notamment les CHS (Charlemagne HammerSkins), groupuscule français skinhead violent, raciste, antisémite et négationniste, ayant des liens avec des mouvements similaires en Grande Bretagne et ailleurs en Europe. Ils avaient ouvert un site chez AOL en France, rapidement supprimé mais qui avait mis en émoi certains grands magazines et laissé indifférent d'autres journaux, site transféré ultérieurement au Canada sur le serveur fédératif de Bernard W. Klatt, fermé depuis.

Quant au Front National français, qui possède son propre site Web87, il se garde bien d'avoir un discours ouvertement raciste ou négationniste, mais est référencé par les principaux serveurs de ce type dans leurs rubriques de serveurs « nazis, racistes et révisionnistes » et y est qualifié de « national-socialiste »88...


Notes.

76. Avec, principalement, Stormfront, fondé par Don Black, ex dirigeant du Ku-Klux-Klan.

77. Sur Don Black, voir Poisoning the Web: Hatred Online, ADL, 1999, http://www.adl.org/frames/front_poisoning.html

78. Voir Robert Derumes, « Racisme : la bête rode sur Internet », Le Ligueur, 7 février 1996. http://www.euronet.be/altho/ligueur.htm

79. Pour Kenneth Stern, leur nombre se situait, début 1998, entre 600 et 800. Kenneth S. Stern, Hate on the Internet, ADL, 1999, chap 2. Voir:http:// www.ajc.org/pre/internet2.htm. On peut considérer que ce nombre a aujourd'hui dépassé le millier.

80. La grande majorité des sites exhibant de l'antisémitisme, mais c'est vrai aussi pour les sites négationnistes, le font via l'idéologie « ZOG » (Zionist Occupation Government), qui n'est qu'une resucée modernisée des Protocoles des Sages de Sion. Dans le cadre du shéma « ZOG », les gouvernements sont secrètement contrôlés par les Juifs, pour lesquels l'immigration est une arme stratégique juive contre la race aryenne. Toutes les variantes sont imaginables... Voir notamment Tore Bjorgo, « Extreme Nationalism and Violent Discourses in Scandinavia: 'The Resistance', 'Traitors', and 'Foreign Invaders' », Terror from the Extreme Right, sous la direction de Tore Bjorgo, Frank Cass, 1995, p. 196-200 et p. 207-209. Le site de la National Alliance, important groupe néo-nazi américain propose des textes intitulés « les nouveaux protocoles », « pourquoi les Juifs veulent la guerre », et d'autres de la même eau.

81. C'est le cas du site de Nation of Europa, qui au milieu des habituelles ratiocinations ultra-nationalistes et racistes, propose une interview d'un négationniste, un texte intitulé « Auschwitz: a reevaluation » et des liens vers des sites web négationnistes. Le site Ostara (sic), principalement raciste et antisémite (nombreux textes sur les « meurtres rituels juifs »), propose une section négationniste, ainsi que des liens. Le même shéma se répète sur la plupart des sites web nationalistes et racistes.

82. Occident, le site de la jeunesse enracinée, hébergé aux USA.

83. Ce genre de propos a des relents fortement négationnistes, par sa « désémentisation » des mots et par ses origines. Voir Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, 2000, p.178 et 323.

84. Occident, le site de la jeunesse enracinée.

85. Pilier de la « nouvelle droite » et frontiste passé chez Mégret, Pierre Vial fonde son idéologie sur des concepts implicitement nazis: « un peuple et sa terre ne font qu'un, [qu'] un lien vital unit le sol et le sang » (Pierre Vial, « 27 juillet 1214: Bouvines », National Hebdo, n° 52, 21 septembre 1994, cité par Jacques Breitenstein, « Les étranges leçons d'histoire du professeur Vial », Mauvais temps, n° 1, juin, 1998, p. 88)

86. Hébergeant Unité Radicale, « créé en 1998 par l'alliance du GUD, de Jeune Résistance et de l'Union des Cercles Résistance », elle-même « créée en septembre 1997 par d'anciens membres du mouvement nationaliste révolutionnaire, Nouvelle Résistance, qui avaient été rejoints par des cadres et militants d'autres mouvements nationalistes français ».

87. Hébergé dès son ouverture par Voxtel, éditeur de serveurs Minitel rose, tels que Myss, Pulp, Rika ou Sevra, et récemment réinstallé aux États-Unis, chez Hiway Technologies. Pour un parti qui prône la moralité et s'oppose à l'américanisation...

88. Chez Flashback, en Suède. Le site du FN figure également sur la page de liens du site négationniste « Wilhelm Tell », parmi une longue liste de sites web négationnistes...


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07/07/2001

TEXTE REPRIS DU SITE http://www.phdn.org/negation/negainter/webrac.html

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