lundi 23 avril 2007

CONFERENCE DU PERE P.DESBOIS

P. Desbois, "Comment l'Eglise perçoit-elle le peuple Juif et Israël?" Conférence 29 mai
Nous avons déjà présenté * la personne et l'oeuvre de cet ecclésiastique qui, au prix d'un travail acharné met au jour les preuves des massacres de Juifs en Ukraine et recueille les téloignages des survivants et des témoins encore en vie. Outre son importante fonction de représentant des Evêques de France pour les relations avec le judaïsme, le P. Patrick Desbois a amplement prouvé qu'il est un grand ami d'Israël. Nous ne saurions trop recommander cette conférence à nos internautes. (Menahem
* Voir, entre autres : Agnès Staes, "La Shoa oubliée : les fusillades collectives en Ukraine", et M. Gurfinkiel, "Ukraine : Enquête sur une autre Shoah".




Dans le prolongement de Toussaint 2006



Conférence et débat animés par

le Père Patrick DESBOIS

Représentant des Evêques de France
pour les relations avec le Judaïsme







Le mardi 29 mai 2007 à 20h



« Comment, aujourd’hui, l’Eglise perçoit-elle
le peuple Juif et la terre d’Israël ? »



La conférence aura lieu à

l’Institut d’Etudes Théologiques - IET

Collège Saint Michel (Accès par la porterie)

Boulevard Saint Michel, 24 - 1040 Bruxelles.



Station de Métro: Montgomery

Bus et Tramways: 22-23-24-25-39-44-61-81-82.

Parking aisé, Entrée par la rue du collège Saint Michel.

Participation libre aux frais.




Contact : RABBOUNI. Daniel Lippert: 02/305.74.80

Michel Carbonnelle: 02/770.79.74

daniel.lippert@pandora.be





Mis en ligne le 23 avril 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org

jeudi 19 avril 2007

A VARSOVIE , UN 19 AVRIL 1943




(Date anniversaire de la révolte du ghetto)

Par David Bronner pour Guysen Israël News

Jeudi 19 avril 2007 à 00:01


Au début de l'année 1943, tandis les deux tiers des Juifs polonais avaient déjà été déportés, les nazis furent confrontés au problème de la pénurie des transports. Himmler décida d'accélérer le rythme des déportations des Juifs. Il songeait aux déportations des Juifs de l'Ouest et surtout, le "secret des opérations" que les Allemands cherchaient à préserver fut découvert par l'Armée de l'Intérieur qui avait enquêté auprès des cheminots afin de savoir où passaient les milliers de Juifs que les trains conduisaient vers Belzec ou Treblinka chaque jour, et qui repartaient vides. A l'instar de tous les habitants de la Pologne, les Juifs savaient dès la fin de l'année 1942 ce que les "réinstallations à l'Est" signifiaient. Comment réagirent-ils ?


Dans un premier temps, comme les Juifs ne savaient pas exactement ce que "réinstallation" voulait dire, ils se présentaient aux appels, se soumettaient aux ordres d'évacuations et les déportations se réalisaient sans difficulté pour les nazis. Plus tard, lorsque le nombre de Juifs diminuait dans les ghettos et que les informations se faisaient plus précises sur le sens véritable des déportations, lorsque "la conscience de la mort s'imposa", les Juifs réagirent en cherchant par tous les moyens à échapper aux déportations. Comme le montrent généralement les historiens de la destruction, suivant les régions de Pologne, l’importance des ghettos et les membres composant les Judenräte (conseils juifs), les Juifs n'adoptèrent pas un même comportement.
Dans les régions orientales de la Pologne par exemple, les Juifs avaient déjà été témoins d'opérations mobiles de tuerie. Ils réagirent aux évacuations en se cachant par tous les moyens ou en fuyant dans les forêts proches. Là, le rôle des Polonais était d'une importance capitale. Suivant qu'ils étaient accueillis ou rejetés, les Juifs augmentaient leurs chances de survivre ou bien au contraire, ils étaient voués à une mort certaine.
Le cas le plus important et le plus célèbre de résistance impliquant un affrontement avec les Allemands est celui du ghetto de Varsovie. La résistance s'organisa sans le Conseil Juif, voire contre la volonté de ses dirigeants. La difficulté d'organiser la résistance aux Allemands était double : il fallait prendre le contrôle de la communauté juive (convaincre les individus par des tracts et des journaux (1), prendre progressivement la place du Conseil en opérant un transfert de légitimité) et unifier les différents partis politiques, radicalement opposés d'un point de vue idéologique. Les syndicalistes du Bund, les communistes, les sionistes (révisionnistes et socialistes) s'accordèrent sur la nécessité de se défendre.

Mis au courant le 22 juillet 1942 du projet nazi de déporter tous les Juifs de Varsovie vers l'Est, Czerniakow, président du Judenrat, se suicida le lendemain. Le Conseil élut son adjoint, Marek Lichtenbaum, qui, tout aussi impuissant que son prédécesseur, continua d'obéir aux ordres des Allemands. Le suicide de Czerniakow ne devait pas modifier l'attitude des représentants juifs à l'égard des projets de résister aux ordres des Allemands. Ils continuèrent d'organiser, via la police juive du ghetto, les opérations de transfert de la population. Entre le 9 août 1942 et le 5 septembre 1942, 300 000 personnes furent déportées ; il restait environ 125 000 Juifs dans le ghetto de Varsovie : 70 000 personnes officiellement recensées, les autres se cachaient.

A l'automne 1942, les partis politiques juifs se rassemblèrent et prirent la décision de résister aux déportations. Ils mirent en place un Comité de coordination au sein duquel tous les partis politiques agiraient de concert, à l'exception des sionistes révisionnistes qui disposaient de leur propre force militaire (Irgun Zwai Leumi). Les Juifs du ghetto allaient se battre dans des formations de parti (chaque parti créa ses propres groupes de combat) placées sous le commandement centralisé de l'Organisation Juive de Combat (O.J.C.), dirigée par Mordechaï Anielewicz qui était âgé de 24 ans.

Les Juifs bâtirent des abris reliés aux égouts, achetèrent des armes à la population polonaise à des prix extrêmement élevés (2) et négocièrent l'attribution d'armes avec la résistance polonaise : l' « Armia Ludowa », l’Armée du Peuple se montra plus généreuse et plus spontanée que l' « Armia Krajowa », l’Armée de l’Intérieur. A la lecture des mémoires des responsables de la résistance polonaise, on a l'impression que les résistants polonais aidèrent les Juifs et mirent à leur disposition les armes nécessaires au combat: "Nous leur promîmes de leur fournir des revolvers, des fusils, quelques mitrailleuses et un millier de grenades à main, de même que des explosifs pour la fabrication de mines. Nous nous engagions aussi à leur procurer des fusées et des pièces détachées. Ce n'était pas énorme, mais à l'époque, nos propres stocks étaient considérablement réduits et les Juifs se déclarèrent fort satisfaits de notre offre" (3).

Le témoignage de Marek Edelman est nettement moins enthousiaste :
"A nouveau, se pose la question des armes. Il n'y en a pratiquement pas dans le ghetto. Il ne faut pas oublier qu'en 1942, la résistance polonaise est encore au berceau, que le maquis n'est connu que par ouï-dire et que la première action armée n'interviendra qu'en mars 1943. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner si nos efforts auprès de la Délégation du gouvernement pour acquérir des armes, et auprès d'autres organisations, rencontrent beaucoup de difficultés et offrent peu de résultats. Nous parvenons cependant à obtenir de la Garde populaire quelques revolvers [...]. A la fin de décembre 1942, nous recevons notre première livraison d'armes de la part du commandement de l'A.K. . Il y en a très peu : dix revolvers. Cela nous permet toutefois de préparer notre première manifestation importante"(4).
Les résistants juifs ne reçurent que très peu d'armes et de munitions de la part des Polonais. En outre, il semble que des quantités d'armes plus importantes furent livrées après les premières opérations contre des Allemands (lors de l'incursion des Allemands le 18 janvier 1943) et que de ces livraisons dépendaient les plans d'action des résistants juifs : "Dans tout Varsovie, courent des légendes sur les centaines d'Allemands tués, sur la force imposante de l'O.J.C.. Toute la Pologne clandestine nous salue. A la fin du mois de janvier, nous recevons de la part du commandement de l'A.K. cinquante pistolets de gros calibre et cinquante grenades. L'O.J.C. se réorganise"(5)...

Les Polonais attendirent que les Juifs fassent la preuve de leur efficacité et de leur détermination pour augmenter les quantités d'armes livrées. Or celles-ci furent très faibles et extrêmement rares. Les armes dont disposaient les Juifs étaient achetées du côté aryen tandis que des cocktails Molotov étaient fabriqués dans le ghetto. Dès le mois d'avril 1943, les rafles organisées par les Allemands furent empêchées par les groupes de combat répartis dans tous les secteurs importants du ghetto.

Le 19 avril au matin, les gendarmes allemands et les policiers polonais (les "Bleus") encerclent le ghetto, les Juifs sont réfugiés dans les abris aménagés, l'O.J.C. est prête à intervenir. Au petit matin, les Allemands entrent en force dans le ghetto (compagnies entières, troupes motorisées, tanks, véhicules blindés) mais ils sont arrêtés par les Juifs. Il existe plusieurs récits de l'Insurrection du ghetto de Varsovie, mais les témoignages des survivants rassemblés par Haïm Gouri et Jacquot Ehrlich accordent à l'histoire un ton juste, authentique :

"Le ghetto est encerclé, des milliers d'Allemands avec des mitrailleuses, des canons. Je me sentais complètement impuissant face à la force militaire sous mes yeux" ... "Pour la première fois, je vois l'Allemand. On n'en voyait jamais. On fuyait l'Allemand" ... "D'abord, approchaient les tanks. Et on voyait les Allemands marcher au milieu de la rue, sûrs d'eux" ... "C'est une armée équipée de pied en cap qui entre. Tu es complètement paralysé. D'autre part, tu te réjouis quand tu vois ce qu'ils ont mobilisé contre toi" ... "On avait peur. On avait chacun un pistolet, quelques grenades, des cocktails Molotov et des bombes artisanales. Dans un groupe, on avait un fusil" ... "J'en tuerai pour mon père, pour ma mère, pour mon amie et pour toutes nos souffrances" ... "Notre peau, ils la payeront cher" ... "Je ne pensais qu'à ma famille. Où sont-ils ? Vivent-ils encore ? Ma vie n'avait plus d'importance. J'étais sûre d'y rester. J'avais 17 ans. Quand je pensais que je n'avais plus de famille, il me restait la vengeance. Je n'ai plus eu peur de rien" ... "Chacun était sûr de mourir" ... "Mordechaï donna l'ordre à un camarade, celui-ci alluma la grenade et la jeta dehors" ... "On commença à tirer et à jeter des cocktails Molotov et des grenades" ... "J'avais une grenade, ma main tremblait. Ça m'énervait, j'avais peur"... "Le rêve de tout combattant du Groupe Juif de Combat, son jour de bonheur, c'était de se battre face à face avec les Allemands et de les tuer" ... "L'un d'eux leva la tête et en voyant les filles, il dit : 'les filles se battent !'" ... "Il y avait du sang allemand dans les rues de Varsovie. Une grande joie" ... "Nous sentions que nous faisions quelque chose pour la postérité, pour que le monde sache"(6).
Les Allemands, vaincus au cours des batailles de rue, décident d'incendier chaque immeuble. Ils n'agissent pas seuls, ils sont aidés par les Ukrainiens et les "Bleus" polonais. Dans son rapport quotidien sur la bataille du ghetto adressé au général Krueger, chef de la SS et de la Police allemande du Gouvernement Général, le commandant allemand Jurgen Stroop qui dirige les opérations, mentionne les pertes des "forces allemandes" : il cite quinze noms dont celui de Julian Zielinski, "né le 13 novembre 1891, 8ème Commissariat... tombé le 19 avril 1943 en remplissant son devoir... Ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes, leurs vies. Ne les oublions jamais. Les hommes suivants ont été blessés..." (7).

Stroop donne les noms des personnes blessées en précisant leur affectation d'origine. Sur les 90 blessés recensés, 5 sont des membres de la police polonaise. Stroop fournit également à ses supérieurs le personnel employé dans les "opérations de liquidation" : 36 officiers et 2054 hommes en moyenne chaque jour, répartis entre quatre catégories : les Waffen SS, la Police, la Police de sécurité et les Gardes étrangers raciaux. Parmi les membres de la police (774 personnes au total), 533 étaient des Polonais (367 policiers et 166 pompiers), soit 69% du total des forces de police engagées dans le combat contre la résistance juive et 25,5% du total des forces engagées dans la liquidation8.

Les combats durent près de trois semaines. L'O.J.C. est coupée du secteur aryen, une livraison d'armes n'est plus possible. Le 8 mai, alors que le commandement de l'O.J.C est occupé par les Allemands et les Ukrainiens, certains dirigeants appellent tous les combattants à se suicider plutôt que de se rendre. Les Allemands utilisent des gaz asphyxiants dans les galeries empruntées par les deniers Juifs qui essayent de s'échapper. Puis,

"Le 10 mai, à 10 heures du matin, deux camions arrivent au-dessus de la plaque d'égout du carrefour des rues Twarda et Prosta. La plaque se soulève en plein jour alors qu'il n'y a pratiquement aucune protection (la couverture de l'A.K. n'est pas au rendez-vous, et dans les rues ne veillent que trois des nôtres ainsi qu'un représentant de l'A.L ; délégué à cette mission, le commandant Krzaczek). L'un derrière l'autre, sous les yeux d'une foule stupéfaite, les Juifs sortent du trou noir l'arme à la main. A cette époque, la seule vue d'un Juif était un événement. Tous ne parviennent pas à sortir. La plaque d'égout retombe lourdement. Les camions partent à plein gaz. Deux groupes de combat sont restés dans le ghetto. Nous garderons des contacts avec eux jusqu'à la mi-juin. Ensuite, toute trace disparaît. Ceux qui ont rejoint le "côté aryen" continuent la lutte dans le maquis. La majorité d'entre eux seront tués. Une petite partie de survivants participera activement, en tant que groupe de l'Organisation Juive de Combat, à l'insurrection de Varsovie en août 1944" (9).

Les nombreux récits rédigés sur l'Insurrection du ghetto de Varsovie ne résistent pas aux démystifications de Marek Edelman : au ghetto, point de drapeaux juifs ou polonais, point d'argent, point d'armes, ou si peu, qu'il ne rejoint pas l'A.K. et l'Insurrection de Varsovie en 1944 en échange des services rendus, mais parce qu'il est bundiste et qu'il a donné un sens à sa survie en combattant contre les Allemands. Avec ses métaphores cardiologiques réussies, il parvient à convaincre que l'historien devrait préférer le désordre à l'ordre, sans doute parce que sa survie fut gagnée dans le désordre et que la vie de ses camarades fut aussi perdue à cause de l'ordre. Edelman choisit de na pas développer la question de l'antisémitisme des Polonais, il ne parle pas de l'antisémitisme au sein de l'A.K. ni des bandes de Polonais qui écumaient la ville à la recherche des cachettes juives, obligeant les victimes à payer de très fortes sommes d'argent pour ne pas être dénoncées (10) ; il ne parle pas non plus de ceux qui pillaient les appartements dévastés par les incendies déclenchés par les Allemands. Comparés aux 400 000 Juifs qui défilèrent vers l'Umschlagplatz sous ses yeux, le silence gardé par les Polonais lors des appels lancés par les Juifs insurgés, le fait qu'aux manifestes les Polonais répondirent par d'autres manifestes, ne suscita aucun commentaire de sa part. Pourtant, d'autres survivants de l'Insurrection n'hésiteront pas à accuser les résistants polonais de les avoir abandonnés :

"A Varsovie, il y avait une résistance polonaise. Nous leur disions : « nous voulons nous défendre ». Mais ils disaient que les Juifs allaient comme des moutons à l'abattoir" ... "Ils avaient des arsenaux plein d'armes. Tandis que nous n'avions même pas dix armes. Ils nous répondaient qu'ils ne voulaient pas que la révolte se propage hors les murs : il n'y eut pas d'ordres de Londres" ... "Leur crime, c'est de ne nous avoir rien donné ! Ils avaient des grenades, ils disaient que nous étions une annexe de Moscou" ... "Ils voyaient en nous des étrangers. Donnez-nous des armes ! Laissez-nous mourir dignement, nous, les derniers Juifs sur la terre de Pologne, en luttant contre les Allemands" ... "Le ghetto est à quelques rues d'ici. Et ici, la rue continue comme si de rien n'était. Cela ne concerne personne. Le Polonais se fout de ce qu'il se passe à côté de lui" ... "Une belle journée sans nuages. Ils s'en fichaient comme si c'était une autre planète. Ils ne regardaient même pas vers le ghetto pour voir ce qu'il s'y passait. Des Juifs brûlaient vifs"(11).

Il fallut attendre le 28 avril 1944 pour que le Conseil National Polonais se décide à publier un communiqué sur la "tragédie du ghetto".

Les fausses informations relatives à la coopération des mouvements de la résistance polonaise avec les Juifs insurgés allaient contribuer à créer un des mythes de l’après-guerre les plus puissants de l'histoire des relations judéo polonaises. Les quelques armes données ou vendues par les Polonais ainsi que les contacts établis par l'O.J.C. avec l'A.K. et l'A.L. sont une source de récits dénués de fondement sur l'aide fournie aux Juifs ou sur la participation active et directe des Polonais à l'Insurrection du ghetto. La volonté par les dirigeants de l'après-guerre de "nationaliser" la révolte des Juifs doit se comprendre comme le point de départ d'une révision complète de l'histoire des relations judéo polonaises et de celle des Juifs en Pologne.

Les autorités prendront en charge cette réécriture de l'histoire qui fournira une justification ultime à la deuxième politique antisémite, laquelle, issue directement de la première, transformera l'antisémitisme officiel et l'indifférence et la collaboration des Polonais pendant la guerre en révisionnisme d'Etat.

Au centre d'une nouvelle mythologie nationale, les Juifs seront à la fois sujet et objet de l'histoire révisée. En 1945, le judaïsme polonais est mort. Le nouveau régime la maintiendra en état de survie artificielle, le temps d'écrire, à sa façon, l'histoire d'un monde fini.



1 . Voir NETZER Shlomo, "The Jewish underground press in Warsaw", in Yad Vashem Studies, vol. XV, Jérusalem, 1983, pp. 347-355. [L'auteur montre l'importance de la presse à Varsovie, son rôle moteur dans la prise de conscience des habitants du ghetto de la nécessité de résister aux Allemands].

2. Au marché noir, un revolver coûtait 12 000 zlotys et les grenades étaient vendues entre 1000 et 1500 zlotys l'unité, un fusil, entre 20 000 et 25 000 zlotys. Dans ses mémoires, Vladka Meed, alors courrier de la résistance juive, âgée de dix-sept ans, cite l'exemple d'un cas de "marchandage entre un résistant juif, Celek, et une de ses connaissances du côté aryen, Janek : "...Celek parvint à fournir un stock plus important. Il avait dans ses relations un socialiste polonais, Janek, membre du Parti socialiste, qui fournissait à Celek la possibiité de dormir chez sa mère rue Browarna. De sa part, Celek reçut la promesse de l'opportunité d'acheter trois revolvers et quatre boites de dynamite pour la somme de 6000 zlotys. [...] Malheureusement, notre joie était prématurée, nous ne reçumes pas les revolvers promis. Janek nous donna seulement trois boites de dynamite, nous donnant pour excuse que le reste de la "marchandise" avait été "confisqué". Il dit qu'ils avaient une "mésaventure" et que le camarade qui cachait les revolvers avait étéarrêté. L'argent que nous lui avions donné était perdu...", MEED Vladka, On both sides of the wall, Memoirs from the Warsaw ghetto, op. cit., p. 125.

3 . KOMOROWSKI-BOR Tadeusz, Histoire d'une armée secrète, p. 106.

4 . Les "quelques revolvers" fournis par la Garde populaire (future Armia Ludowa) et les dix fournis par l'A.K. serviront notamment à la liquidation des membres de la police juive et d'Izrael First. EDELMAN Marek, KRALL Hannah, Mémoires du ghetto de Varsovie, Un dirigeant de l'Insurrection raconte, pp. 64-66.

5 . Ibidem, p. 67.

6 . Flammes dans la cendre, (Partie VII, Varsovie, 19 avril 1943).

7 . "The Warsaw ghetto is no more !", Rapport du général Stroop du 19 avril 1943, cité par FRIEDMAN Philip, Martyrs and Fighters, The epic of the Warsaw ghetto, op. cit., pp.232-233. [Il faut préciser que dans son rapport, Stroop notait que ses forces étaient dirigées contre les Juifs et les "bandits polonais (*)". Aucun Polonais non juif ne prit part à l'Insurrection du ghetto. A l'évidence, Stroop falsifia la réalité car les Allemands ne pouvaient admettre qu'ils avaient été battus par des Juifs ; il essaya donc de donner l'impression que des forces importantes de la résistance polonaise avaient participé aux combats]. (*) "Bandits" : appellation allemande pour "résistants".

8 . Précisons que pour ce qui concerne la Police de sécurité, il est probable que les 46 hommes du bataillon "Rembertow" et les 35 hommes du bataillon de réserve "Gora-Kalwaria" fussent également des Polonais, or aucune source ne nous renseigne sur la question. Notons également que les 337 "Gardiens étrangers raciaux" mentionnés par Stroop sont des gardiens ukrainiens du camp de Trawniki. Au total 41,6% des hommes engagés dans la liquidation du ghetto de Varsovie n'étaient pas des Allemands. Si l'on inclut les bataillons "Rembertow" et "Gora-Kalwaria", ce taux s'élève à 45,5%.

9 . EDELMAN Marek, KRALL Hannah, Mémoires du ghetto de Varsovie, Un dirigeant de l'Insurrection raconte, p. 81.

10 . HILBERG Raul, La destruction des Juifs d'Europe, p. 441.

11 . Flammes dans la cendre.

lundi 16 avril 2007

YOM HASHOAH

NE JAMAIS OUBLIER !

Aujourd'hui, 16 Avril 2007, le Jour du Souvenir





Ne Jamais Oublier !



Submitted by Ram Zenit on Mon, 2007-04-16 04:09.


Ne jamais oublier!!!

dimanche 15 avril 2007

YOM HASHOAH

15 avril 2007 - © Mémorial de la Shoah

À l’occasion de Yom HaShoah, date retenue par l’État d’Israël pour la commémoration en mémoire des victimes de la Shoah, le Mouvement Juif Libéral de France (MJLF) et le Mémorial de la Shoah organisent pour la deuxième année consécutive la lecture des noms des déportés juifs de France devant le Mur des Noms. Cette lecture, réalisée depuis 1991 par le MJLF en partenariat avec l’association des Fils et Filles de Déportés Juifs de France, débute le 15 avril au soir par le convoi n°4 et se poursuit sans discontinuer jusqu’au lendemain soir. Sous la présidence d’honneur de Maître Samuel Pisar, témoin et avocat international. Manifestation réalisée sous l’égide de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.


Lire les détails de la manifestation sur :
http://www.memorialdelashoah.org/

vendredi 13 avril 2007

LE CARDINAL FAULHABER A-T-IL TENU TETE AUX NAZIS ?

Le Cardinal Faulhaber a-t-il tenu tête à l'antisémitisme nazi dans les années 30 ?

Voici un texte (*) à ajouter au dossier du contentieux concernant l'attitude de l'Eglise catholique pendant la Seconde Guerre mondiale, qui vient de refaire surface à propos de la menace, formulée par le nonce apostolique à Jérusalem, de boycotter la Commémoration de l'Holocauste (**) qui doit avoir lieu prochainement. Il illustre à quel point sont fondés les soupçons juifs concernant l'objectivité et l'aspiration à la vérité - si dure qu'elle puisse être - des Commissions romaines, dont les rapporteurs sont capables de manipuler, consciemment ou non, les faits historiques. (M. M.)


Eté 1999.



(*) M. R. Macina “Le cardinal Faulhaber et l’antisémitisme nazi des années trente”, Bulletin Trimestriel de la Fondation Auschwitz, n° 64, juillet-septembre 1999, Bruxelles, pp. 63-74.

(**) Claire Dana Picard, "Le Vatican absent aux commémorations de la Shoah ?".



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Dans la Déclaration romaine du 16 mars 1998, dite "de Repentance", et intitulée "Nous nous souvenons" (1), on peut lire l'assertion suivante, censée s'appuyer sur quelques pages d'un ouvrage de l'historien allemand L. Volk, consacré à l'étude des rapports entre l'épiscopat de Bavière et le National-Socialisme dans les années 1930-1934 (2):



«Les sermons bien connus du cardinal Faulhaber en 1933, l'année même où le national-socialisme parvint au pouvoir... exprimèrent clairement le rejet exprès de la propagande antisémite nazie.»



D'emblée, on est surpris du ton péremptoire de cette affirmation qui contredit radicalement les résultats de recherches qualifiées (3). Par ailleurs, la compétence des travaux de Volk ne peut être mise en doute. Se pouvait-il qu'il fût, sur ce point, en contradiction aussi flagrante avec ses pairs? Pour en avoir le coeur net, force a donc été de se reporter aux passages de son livre, évoqués mais non cités par la "Déclaration de repentance". Les extraits qui suivent permettent de se faire une idée plus juste de la perception qu'avait l'historien allemand des buts que poursuivait le cardinal lorsqu'il fustigeait, chez certains chrétiens, les aberrations doctrinales induites par la propagande nazie.

Pour commencer voici ce que dit expressément l"historien Volk appelé à la rescousse par les rédacteurs de la Déclaration (4)



«En 1933 [le cardinal Faulhaber] fit, du haut de la chaire de l'église Saint Michel de Munich, cinq interventions consacrées à la défense de l'Ancien Testament, dont certains porte-parole des Chrétiens-Allemands (5) s'étaient récemment désolidarisés et contre lesquels les champions du mythe national-socialiste prenaient parti dans de nombreuses publications. Les sermons d'Avent de Faulhaber connurent une fréquentation si immense auprès des auditeurs catholiques, protestants et juifs, qu'il fallut les transmettre par des hauts parleurs à l'hôtel de ville... Pour les milliers de gens qui affluaient, il s'agissait moins de venir entendre une apologie des Saintes Écritures que d'entendre s'opposer à la coercition, à la non-liberté spirituelle et à l'uniformisation idéologique. "Il souffle une tempête sur notre pays... qui prétend balayer du sol allemand les Écritures parce que c'étaient des livres juifs". S'appuyant sur ses connaissances exégétiques, Faulhaber en imposait par son combat mené en faveur des écrits fondamentaux du judaïsme d'avant l'ère chrétienne... Lors de son dernier sermon, il réussit à formuler des sentences d'une saisissante brièveté et d'une violence outrageante. L'absolutisme de la pensée raciste ne pouvait être davantage mis à mal que par cet appel : “Nous ne devons jamais l'oublier : nous ne sommes pas rachetés par notre sang allemand” (6).»



Comme on peut le constater, rien, dans ces passages, ni d'ailleurs dans les quatre pages du livre de Volk, évoquées par la "Déclaration de repentance", n'accrédite la réputation avantageuse d'opposant à la propagande antisémite nazie, ainsi faite au cardinal de Munich. Au contraire, après avoir noté que «le retentissement [des sermons] fut énorme», et que l'ampleur des ventes de la version imprimée «révélait le mécontentement éprouvé… par ceux que le régime nazi avait déçus ou dont il suscitait la méfiance», l'historien émet cette sévère critique (7):



«Le contenu de [ces sermons] n'était pas sans failles, car le cardinal n'avait pas osé toucher au sujet brûlant de l'antisémitisme, comme en 1923, lors de ses sermons de la Toussaint et de la Saint-Sylvestre.»



Ce que confirme un événement rapporté par l'historien Guenter Lewy (8). Au cours de l'été 1934, un journal social-démocrate de Prague publia le texte d'un sermon contre la haine raciale, attribué à Mgr Faulhaber. Le National-Zeitung, de Bâle, en reproduisit des extraits, et le Congrès Juif Mondial réuni à Genève loua la position courageuse prise par le Cardinal (9). Mais il se révéla que ce sermon était une invention. Mgr Faulhaber fit écrire par son secrétaire à l'organisation juive une lettre de protestation contre «l'utilisation du nom du Cardinal par un groupement qui préconisait le boycott de l'Allemagne, c'est-à-dire la guerre économique». Et le secrétaire de préciser (10):



«Dans ses sermons prononcés l'an passé, à l'occasion de l'Avent, le Cardinal avait défendu les anciennes Écritures bibliques d'Israël, mais n'avait pas pris position sur la Question juive d'aujourd'hui.»



Ajoutons que, même dans cette "défense", Faulhaber insistait sur la distinction radicale entre judaïsme et christianisme, et tenait, sur le peuple juif des temps bibliques, de durs propos, au demeurant tout à fait dans la ligne de l'antijudaïsme chrétien le plus traditionnel qui était alors de mise, tant dans la hiérarchie de l'Église que parmi ses fidèles. En voici un bref échantillon (11):



«En acceptant ces livres [ceux de l'AT], la chrétienté ne devient pas une religion juive. Ces livres n'ont pas été composés par des juifs; ils sont inspirés par l'Esprit Saint et sont donc l'œuvre de Dieu, ce sont les livres de Dieu... Les filles de Sion ont reçu leur acte de divorce, et depuis cette époque, Assuérus (12) erre sur la face de la terre sans trouver le repos... Peuple d'Israël, cela n'a pas poussé dans ton jardin et tu ne l'y as point planté. Cette condamnation de l'usure qui amène à la spoliation de la terre, cette guerre à l'endettement qui est l'oppresseur du cultivateur, cela n'est pas le produit de ton esprit! » Etc., etc.



La seule allusion faite aux persécutions des juifs, donne, par la cruauté inconsciente de sa formulation, la mesure de l'insensibilité du cardinal à leur égard (13):



«L'antagonisme envers les juifs de notre temps ne doit pas être étendu aux livres du judaïsme pré-chrétien.»



Venant d'un des plus illustres représentants de la hiérarchie catholique allemande d'alors, et même si on la replace dans le contexte général de l'époque, une telle appréciation, qui place la sauvegarde du donné doctrinal au-dessus de celle de la personne humaine, illustre à quel point la polarisation dogmatique et confessionnelle peut obscurcir les intelligences les plus illustres et inhiber les réflexes de solidarité les plus élémentaires.


Autre fait significatif. Vers la fin du mois de mars 1933, après maintes hésitations et consultations, les évêques catholiques allemands décidèrent de ne pas protester officiellement contre le boycott général du commerce, de l'artisanat et de l'exercice des professions libérales des personnes de race juive, décrété par les autorités du Troisième Reich. Le 5 avril de la même année, un pasteur bavarois, du nom d'Aloïs Wurm, adressait au cardinal Faulhaber une lettre de protestation, où l'on pouvait lire, entre autres considérations (14):



«En cette période où la haine la plus extrême sévit contre les citoyens de race juive, dont 99 % sont à l'évidence innocents, pas un journal catholique, pour autant que je sache, n'a eu le courage de proclamer l'enseignement du catéchisme catholique, selon lequel on ne doit haïr ni persécuter aucun être humain, et moins encore en raison de sa race. Une telle situation apparaît à beaucoup comme une défaillance catholique.»



Outre sa tonalité d'ironie sarcastique, sur laquelle on ne peut s'attarder ici, la réponse de Faulhaber, en date du 8 avril 1933, illustre, une fois de plus, l'étonnante indifférence du prélat au triste sort des juifs de son temps (15):



«Tout chrétien doit s'opposer à la persécution des juifs, mais les hautes autorités de l'Église ont des problèmes immédiats beaucoup plus importants : les écoles, la continuation de l'existence des associations catholiques, la stérilisation, ont même plus d'importance pour le christianisme dans notre patrie… En définitive, on doit réaliser que les juifs sont capables de prendre soin d'eux-mêmes. Il n'y a donc pas lieu de donner au gouvernement des raisons de transformer la chasse aux juifs en chasse aux jésuites!»



Les faits et les textes évoqués sont facilement vérifiables et semblent indiscutables : ils ont fait l'objet d'études et d'analyses autorisées, et même si les interprétations peuvent varier sensiblement d'un auteur à l'autre, à notre connaissance, aucun historien sérieux n'a produit le moindre élément objectif susceptible d'accréditer l'affirmation, gratifiante pour le Cardinal Faulhaber, soumise ici à un examen critique (16).


Il est dommage que les rédacteurs de la Déclaration romaine non seulement aient ignoré le consensus de chercheurs compétents, mais, de plus, se soient référés, pour accréditer l'opinion qu'ils professent en la matière, à l'ouvrage d'un auteur qui s'inscrit précisément dans le dit consensus, contraire à leur thèse. Dans ces conditions, on comprendra qu'un historien, si favorable qu'il soit au dialogue entre l'Église et le judaïsme, ne puisse laisser sans démenti cette apologie imméritée d'un prélat qui eut assez de courage pour s'opposer, dès la montée en force du National-Socialisme, à la nazification du christianisme et à la stérilisation, mais qui, comme la totalité du haut clergé allemand, n'en eut aucun pour défendre les juifs lorsque, quelques années plus tard, ces derniers furent mis au ban de la société et finalement exterminés par un pouvoir inique, auquel on se fût attendu que, tant en raison de sa foi chrétienne que par simple devoir d'humanité, le cardinal tente au moins de résister avec les armes spirituelles de la réprobation oratoire, lorsque la chose était encore possible - et ce l'était dans les années trente.


Il ne serait pas objectif de s'en tenir à ces remarques négatives sans esquisser, au moins dans ses grandes lignes, une tentative d'explication de l'attitude du cardinal Faulhaber envers les juifs. Tout d'abord, il convient de rappeler que, dans les années vingt, il fut plus positif à leur égard. Pridham, suivi par Kershaw, a noté qu'il «méprisait les méthodes, le radicalisme et la vulgarité des nazis», et qu'en 1923, sa critique des menées antisémites lui valut même d'être qualifié de «cardinal juif» par des étudiants, adeptes fanatiques du National-Socialisme (17).


D'autre part, il est patent que, même si ses prêches de 1933 ne visaient pas le régime hitlérien lui-même, mais les chrétiens qui "marcionisaient" (18), sous l'influence des thèses nazies visant à épurer le christianisme de ses «éléments sémitiques», les violentes critiques de Faulhaber furent ressenties par les autorités comme une atteinte intolérable à l'idéologie du Parti et lui valurent des haines tenaces en haut lieu. Telle celle d'Esser, chef de la Chancellerie d'État, qui conseillait au cardinal et à ses collaborateurs (19)



«de se contenter de faire des sermons sur le chapitre de l'obéissance prônée par Dieu envers l'autorité légale de l'État (20), au lieu de susciter des conflits de conscience dans de larges cercles, comme il l'avait fait dans ses allocutions de l'Avent.»



On aurait tort de croire que de tels propos étaient sans effet sur la hiérarchie de l'Église allemande, en général, et sur le cardinal Faulhaber, en particulier. Les considérations de saint Paul sur l'obéissance aux autorités procédaient d'une situation très différente de celle à laquelle était confrontée l'Église face à la cruelle dictature nazie, qui faisait fi des droits et de la justice. Mais le clergé d'alors n'avait pas encore intégré, entre autres critères modernes d'herméneutique, celui qui prône la re-situation des écrits dans leur contexte culturel et politique, et il lisait les Écritures de manière anhistorique et majoritairement apologétique. En outre, des travaux récents ont montré, de manière convaincante, semble-t-il, que ce qui, pour nos contemporains, sensibilisés aux droits de l'homme, apparaît aujourd'hui comme intolérable dans les propos et les attitudes des chrétiens allemands à l'égard des juifs, ou comme lâcheté, compromission politique, voire adhésion plus ou moins déclarée aux idéaux national-socialistes, n'était, en fait, que le résultat pervers du loyalisme national, aussi sincère que mal éclairé, des clercs et des fidèles de ce pays.


À notre avis, si l'on cherche une explication, plausible et dénuée de toute passion, à l'attitude ambivalente du cardinal Faulhaber et de l'ensemble de la hiérarchie religieuse allemande d'alors à l'égard d'un pouvoir inique et majoritairement fondé sur la force brutale, c'est dans cet amour excessif de la mère-patrie qu'on la trouvera, comme d'ailleurs dans la révérence, si typiquement germanique, envers toute autorité constituée, aggravée d'un juridisme diplomatique qui dicta à la hiérarchie ecclésiastique un respect scrupuleux - malheureusement à sens unique - des clauses du Concordat conclu, en 1934, entre l'Église et le Troisième Reich (21).


Pour en revenir aux sermons d'Avent du cardinal Faulhaber, malgré leur dure franchise et les violentes critiques qu'ils suscitèrent, tant dans les sphères du pouvoir nazi que dans la presse, il serait erroné d'y voir autre chose qu'une réaction ecclésiastique énergique aux errements doctrinaux des chrétiens séduits par les doctrines néo-païennes et racistes des Nazis. À preuve ces remarques de Volk lui-même (22). Après avoir noté que



«son désaccord exprimé publiquement et sa profession de foi anti-totalitaire firent figure d'acte d'opposition important et furent perçus… comme une lumière par ses contemporains, [et que] nombreux furent ceux qui propulsèrent le courageux prédicateur de l'Avent au rang de chef du catholicisme allemand dans le conflit ecclésiastique naissant»,



Volk émet, sur la personnalité du cardinal, un jugement qui, pour sévère qu'il apparaisse, a de fortes chances de correspondre à la réalité :



«[ses contemporains] ne se rendaient pas compte qu'ils assignaient à Faulhaber une tâche pour laquelle il n'avait ni l'inclination ni la vocation, ni les aptitudes personnelles correspondantes.»



Notant, avec juste raison, qu'«en refusant l'intimidation et la domination séculière - attitude qui avait suscité un tel enthousiasme - le cardinal n'entendait pas adopter une attitude foncièrement subversive», l'historien illustre cette "marche arrière" en relatant que, peu de temps après son coup d'éclat, Faulhaber rappela au clergé et aux fidèles la nécessité de «la collaboration avec l'État», et fit comprendre qu'il ne voulait pas «creuser un fossé infranchissable». Dans son désir d'apaisement, il posa même un acte que Volk rapporte avec réprobation :



«Il montra combien il était mal conseillé en se laissant convaincre… d'adresser au Gauleiter Wagner "un salut hitlérien réglementaire et irréprochable".»



Toutefois, si regrettables qu'ils soient, il serait injuste de juger ces manques de discernement - dont les Églises n'eurent d'ailleurs pas l'exclusivité -, à l'aune de nos critères contemporains "éclairés", et en faisant abstraction du régime d'intimidation et de terreur que les nazis ne cessèrent de faire régner, à des degrés divers, durant toute la durée du Troisième Reich. Car nul ne peut ignorer que c'est le plus souvent dans des conditions extrêmement troublées et violentes que nombre de responsables politiques ou religieux, en Allemagne ou ailleurs, durent exercer leurs fonctions, adopter des positions et prendre des décisions, dont certaines eurent des conséquences imprévisibles et parfois dramatiques. Et si, avec le recul du temps et sachant aujourd'hui ce qu'ignoraient, ou ne pouvaient prévoir les protagonistes des événements d'alors, certains de leurs comportements peuvent nous apparaître comme entachés d'erreurs, de compromissions et de faiblesses, il est clair qu'ils ne furent pas tous, tant s'en faut, des antisémites, des collaborateurs, ou des lâches.


Il reste qu'il faudra faire la lumière tant sur l'absence de protestation du cardinal Faulhaber (comme d'ailleurs de tout l'épiscopat allemand d'alors) contre les persécutions dont les juifs furent l'objet, que sur l'attitude de l'Église envers le régime nazi (23). C'est là une tâche légitime, pourvu qu'on s'en acquitte sans polémiques ni jugements partisans, et sans flétrir inconsidérément la réputation d'une institution et de ses serviteurs, faillibles par nature, dont nous ne connaîtrons, ou ne comprendrons peut-être jamais suffisamment ni les motivations réelles, ni les débats de conscience qui furent les leurs lorsqu'ils posèrent des actes ou firent preuve d'attitudes de réserve dont nous nous scandalisons aujourd'hui (24). Il sera donc prudent et conforme à la déontologie historique d'apprécier leurs attitudes à la lumière du sage critère formulé, en 1964, par le cardinal Döpfner, à propos du silence controversé de Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale (25):



«Le jugement rétrospectif de l'Histoire autorise parfaitement l'opinion que Pie XII aurait dû protester plus fermement. On n'a cependant pas le droit de mettre en doute l'absolue sincérité de ses motifs, ni l'authenticité de ses raisons profondes.»



© Menahem Macina

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Notes

1) "Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah", Documentation Catholique n° 2179, du 5 avril 1998, p. 336-340. Le passage cité ici est à la p. 338. Tous les soulignements du présent article, sont de mon fait.

2) L. VOLK, Der Bayerische Episkopat und der Nationalsozialismus 1930-1934, Mainz, 1966, pp. 170-174; cité dans Documentation Catholique, p. 340, n. 11. Voir, sur un sujet connexe : I. KERSHAW, L'opinion allemande sous le nazisme. Bavière 1933-1945, CNRS Éditions, Paris, 1995; surtout chapitre VI : «Réactions à la persécution des juifs», pp. 213-254.
3) J'ai déjà exprimé mon dissentiment sur ce point, cf. M.R. MACINA, "Ce document sur la Shoah, qui ignore ce qui nous peine", Los Muestros n° 31, Bruxelles, juin 1998, pp. 18-19.
4) VOLK, Op. cit., p. 170. Une traduction méticuleuse des pages 170-174 de l'ouvrage de Volk a été réalisée à mon intention par Madame Ruth et Mademoiselle Joëlle Marelli, de Luxembourg : il m'est agréable de leur exprimer ici ma gratitude.

5) En allemand, "Deusche Kristen", littéralement 'chrétiens allemands', en fait, chrétiens acquis aux thèses raciales nazies et partisans d'une Église d'obédience national-socialiste.
6) Propos méritoire et, en tout état de cause, conforme à la doctrine chrétienne, mais qui n'empêchera pas le cardinal de faire, dans son cinquième sermon, cette concession majeure au racisme d'État : «L'Église ne voit pas d'objection à la "recherche raciale" (Rassenforschung), ni au "bien-être racial" (Rassenpflege)... ni aux efforts pour conserver l'individualité d'un peuple aussi pure que possible et, par référence à la communauté de sang, pour approfondir le sentiment de la communauté nationale.» Par souci d'objectivité, précisons que le cardinal met des limites à ces propositions racistes : "l'amour de notre race ne doit pas mener à la haine d'autres peuples… la culture de race ne doit pas adopter une attitude d'hostilité envers le christianisme…" Mais il récidivera, sans nuances cette fois, dans un sermon prononcé le 31 décembre 1936 : «Le sang et la race ont contribué à façonner l'histoire allemande.» (Cité par G. LEWY, L'Église catholique et l'Allemagne nazie, Stock, Paris, 1964, p. 147).

7) VOLK, Op. cit., p. 171. Même critique chez KERSHAW, Op. cit., p. 227.

8) LEWY, Op. cit., p. 240.

9) On peut s'étonner de cette affirmation. En effet, à cette époque, le Congrès juif mondial (CJM) n'avait pas encore d'existence juridique. Sur les circonstances de la fondation du CJM, cf. G.M. RIEGNER, Ne jamais désespérer. Soixante années au service du peuple juif et des droits de l'homme, Cerf, Paris, 1998, pp. 44 ss.

10) Cf. aussi KERSHAW, Op. cit., pp. 227-228, qui suit Lewy (déjà cité) et L. VOLK, “Kardinal Faulhabers Stellung zur Weimarer Republik und zum NS-Staat”, dans Stimmen der Zeit, CLCCVII, 1966, pp. 183 ss.

11) Premier et troisième sermons d'Avent.

12) Nom mythique du "Juif errant", dans l'imaginaire antisémite populaire. En fait, Assuérus était un roi perse (cf. Livre d'Esther).

13) Premier sermon. L'expression est employée, à deux reprises, de manière identique.
14) Cf. K. SCHOLDER, Die Kirchen und das Dritte Reich. Band I. Vorgeschichte und Zeit der Illusionen, 1918-1934, Verlag Ullstein, Frankfurt am Main, 1977 (réédité en 1986). Cité ici d'après la version anglaise : K. SCHOLDER, The Churches and the Third Reich. Volume One : Preliminary History and the Time of Illusions 1918-1934, SCM Press, London, 1987, p. 271. Scholder s'appuie sur L. VOLK (ed.), Akten Kardinal Michael von Faulhabers 1917-1945, I, Mainz, 1972, p. 701.

15) SCHOLDER, Op. cit., ibid. Cf. VOLK, Akten, p. 705.
16) Il ne s'agit pas, malgré les apparences, de fonder quelque certitude que ce soit sur l'«argument du silence». Rappelons, au contraire, que, dans le passage de son ouvrage cité par la "Déclaration de repentance" de l'Église romaine (cf. note 7, ci-dessus), Volk lui-même fait explicitement grief au cardinal de n'avoir pas, dans ses sermons d'Avent, «osé toucher au sujet brûlant de l'antisémitisme».

17) Cf. G. PRIDHAM, Hitler's Rise to Power : the Nazi Movement in Bavaria, 1923-1933, Londres, 1973, p. 152. Je suis ici KERSHAW, Op. cit., p. 186.

18) Marcion, célèbre hérésiarque du IIe s. Ne pouvant supporter l'idée d'un Dieu vengeur et sanguinaire, qu'il croyait voir dans la Bible juive, si opposée à celle du Dieu d'amour révélé par le Nouveau Testament, il conçut un système théologique complexe, à forte saveur gnostique, dans lequel l'Ancien Testament était réputé œuvre d'un dieu juif, mauvais et vindicatif, alors que le Dieu du Nouveau Testament était toute bonté. Son nom est resté attaché au qualificatif de "marcionite", qui, au sens large, connote toute tentative, à prétention théologique, aboutissant à dénigrer, ou à dévaloriser, explicitement ou implicitement, l'Ancien Testament.

19) Cf. VOLK, Op. cit., p. 174.

20) En fait, il s'agit d'une phrase de saint Paul, qui fit et fait toujours la joie des tyrans et dictateurs et embarrassait tant les prélats allemands, pour les raisons susdites : "Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. Si bien que celui qui résiste à l'autorité se rebelle contre l'ordre établi par Dieu." (Rm 13, 1 ss). Il est dommage que la hiérarchie catholique allemande n'ait pas imité l'Église évangélique "confessante" qui avait fait sienne la réplique de saint Pierre et des apôtres aux autorités religieuses qui leur interdisaient de prêcher au nom de Jésus : "Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes." (Ac 5, 29). C'est à ce titre que cette dernière refusa, dans un premier temps, d'appliquer les directives raciales de l'État, spécialement le "paragraphe arien", qui excluait des rangs du clergé les pasteurs protestants d'origine juive. Malheureusement, ce beau courage fit long feu et finalement l'Église confessante cessa de défier ouvertement le pouvoir nazi, même si elle s'installa dans une résistance spirituelle qui ne se démentit jamais. À ce sujet, voir, entre autres ouvrages, W. GERLACH, Als die Zeugen schwiegen. Bekennende Kirche und die Juden, Institut Kirche und Judentum [Quand les témoins se taisaient. L'Église confessante et les juifs], Berlin, 1993.

21) Selon certains historiens, ce Concordat fut, pour l'Église, un marché de dupes. Selon d'autres, malgré le bénéfice indéniable qu'en tira Hitler, il fut un moindre mal, outre que c'était, de toute façon, la seule option politico-juridique possible pour parvenir à une coexistence supportable avec un régime qui s'appuyait sur des principes diamétralement opposés à ceux de la morale chrétienne. À ce propos, cf. SCHOLDER, Op. cit., volume II, spécialement les chapitres 4 à 6, pp. 89 à 211.

22) Cf. VOLK, Op. cit., p. 172.

23) Les polémiques de ces dernières décennies autour de l'attitude de Pie XII et de la hiérarchie de l'Église face à l'Allemagne nazie, rendent incontournable la consultation d'une étude, assez ancienne, mais remarquable par son sens critique, son objectivité et son souci méthodologique : V. CONZEMIUS, Églises chrétiennes et totalitarisme national-socialiste. Un bilan historiographique, Bibliothèque de la Revue d'histoire ecclésiastique, Louvain, 1969. En 163 pages, très denses, d'une analyse pénétrante et totalement dénuée de polémique ou de visée apologétique, cette brève synthèse fournit un bilan précieux des recherches historiques sur cette période troublée (près de 200 références bibliographiques citées), et en corrige certaines dérives et erreurs patentes.

24) Bien qu'il ne constitue nullement une pièce à verser au dossier historique, il a paru intéressant de citer ici le témoignage impressionnant d'un membre éminent de la hiérarchie catholique, dont les accents prophétiques rappellent ceux de la Déclaration de repentance d'évêques de France, de 1997 : «En regardant l'histoire de ces années, nous ne voulons pas, nous n'avons pas le droit, et moi-même, membre de l'Église, je n'ai pas le droit de taire que j'ai conscience d'une complicité de l'Église. Oui, de son côté, l'Église ne s'est pas opposée comme elle le devait, à cette pensée nationaliste fourvoyée, à un antijudaïsme chrétien, à une pensée nationaliste teintée de religion, à une interprétation inexacte des événements de la Passion. Ce fut une plaie suppurante dans le corps de l'Église, et ceci a causé beaucoup de malheurs à des innocents…» ("L'engrenage des responsabilités". Allocution du cardinal autrichien Franz Koenig, prononcée le 13 mars 1998 à la Faculté de médecine de Vienne et publiée dans l'hebdomadaire viennois Die Furche, n° 13, du 26 mars 1998. Texte français dans Istina n° 3, Paris, juillet-septembre 1998, pp. 339-342. Le passage cité ici figure à la p. 342.)

25) Cf. L. PAPELEUX, Les silences de Pie XII, Vokaer, Bruxelles, 1980, p. 168.


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Mis en ligne le 13 avril mars 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org

jeudi 12 avril 2007

" LE NEUVIEME JOUR "


Une dramatique illustration de la persécution de l'Eglise par les nazis

Le 6 avril, la chaîne de télévision franco-allemande ARTE proposait aux téléspectateurs une soirée thématique remarquable, et entre, autres documents, un film, intitulé "Le neuvième jour". Cette œuvre narre sobrement, mais avec une grande intensité dramatique, le drame de conscience d’un prêtre interné à Dachau en 1942, qu’on libère subitement pour lui proposer un terrible marché : convaincre son évêque de collaborer avec les nazis en échange de sa libération. Une brève plongée dans l’enfer nazi qui apporte un éclairage sur la persécution du clergé et sur l’ambiguïté de la position de l’Eglise de Rome et celle de la majorité des évêques allemands. A signaler également, dans le même programme, un intéressant documentaire sur la confession de Kurt Gerstein, nazi protestant dont le rôle ambigu et la véracité du témoignage qu’il a rédigé avant de se suicider en prison, en 1945, sont, jusqu’à ce jour, matière à dissensions et polémiques entre experts. Si vous n’avez pas vu cette émission, ne manquez pas sa rediffusion, qui ne saurait tarder. (Menahem Macina).

10/04/07

" Le neuvième jour "

("Der Neunte Tag") Film de Volker Schlöndorff





Présentation reprise du site de ARTE.



Au "bloc des prêtres", de Dachau, le Luxembourgeois Henri Kremer fait partie des catholiques arrêtés pour résistance au régime nazi. En janvier 1942, de manière inattendue, il se voit délivrer une permission de sortie pour neuf jours, bien sûr assortie d’une condition : s’il ne revient pas, tous ses codétenus seront exécutés.

Une fois revenu dans son pays, il doit se présenter chaque jour au jeune sous-lieutenant Gebhardt, de l’armée d’occupation. C’est alors que ce dernier lui dévoile la véritable intention de cette permission inattendue. Si Kremer parvient à convaincre l’évêque du Luxembourg de renoncer à son attitude de résistance passive et de se rallier à la politique d’Hitler envers les Églises, il en sera récompensé par une liberté définitive. En cas de tentative de fuite, Kremer mettra en danger non seulement la vie des déportés de Dachau, mais aussi celle de sa famille.

Déchiré entre les souvenirs insoutenables de l’horreur du camp et sa conviction de chrétien, Kremer est pris dans un dilemme d’autant plus éprouvant, que Gebhardt, lui-même diacre, use d’arguments théologiques pour l’amener à trahir.



Des faits à la fiction


Le scénario de ce film captivant et nuancé s’appuie sur les notes autobiographiques de l’abbé Jean Bernard, publiées en 1945, qui décrivent la vie quotidienne dans le camp de concentration.



Mais ce n’est pas cet aspect, souvent traité, qui a retenu l’attention de Volker Schlöndorff et de son producteur. « Ce qui nous intéressait, c’était de savoir ce qui s’était passé pendant ces neuf jours au Luxembourg. Le prêtre en parle très peu dans son journal. Grâce à cela, nous avons pu […] imaginer ses débats de conscience », explique ce dernier, Jürgen Haase.



Sans manichéisme, le cinéaste du "Tambour" [et de "Mort d’un commis-voyageur"] pose la question de la conscience individuelle et de la position de l’Église face au nazisme.



© ARTE



Mis en ligne le 11 avril mars 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org

ZAKHOR : LES ENFANTS D ' IZIEU

Zakhor, il y a 63 ans |
Les Enfants d’Izieu
(et la présence du chiffre 4)
12 avril 2007 -
Charles Etienne Nephtali

Certains Rabbins et exégètes donnent une signification aux chiffres comme par exemple
Un pour le D.ieu unique, le D.ieu Un ,
Deux pour les deux Tables de la Loi,
Trois pour nos trois Patriarches, Abraham, Isaac et Jacob,
Quatre pour nos quatre « Matriarches », Sara, Rébecca, Léa et Rachel


C’est sur ce chiffre 4 que je m’arrêterais, ce chiffre 4 qui correspond à nos « Matriarches », à nos Mères qui, stériles, eurent par la suite des enfants. Ce chiffre 4 qui finissait par être en rapport avec la joie d’avoir des enfants.

LA RAFLE


Sans rechercher des coïncidences, je constate avec prudence que ce même chiffre 4, concernant 44 enfants, fut le symbole non de joies mais de drames, de tragédies et de malheurs. Je fais allusion à ces 44 malheureux enfants de la Maison d’Izieu « arrêtés » deux mois exactement avant le Débarquement en Normandie, il y a 63 ans aujourd’hui 6 avril 2007.

« Arrêtés » avec leurs 7 éducateurs le 6.4.44 par la Gestapo de Lyon commandée par le criminel de guerre Barbie, le « boucher de Lyon », le tortionnaire de Jean Moulin. Les occupants de la Maison d’Izieu, à l’exception de Léon Reifman, 30 ans, originaire de Roumanie, qui put s’échapper, furent raflés alors que dans le réfectoire les petits déjeuners les attendaient. Le plus jeune, Albert, n’avait que 4 ans, le plus âgé, Arnold, 17 ans. 42 enfants furent gazés à Auschwitz, les 2 autres, plus âgés, furent fusillés. Le seul crime de ces enfants orphelins et de leurs éducateurs : être Juifs !

Alexandre Halaunbrenner, un de mes amis des F.F.D.J.F, porte-drapeau de cette Association (1), avait ses 2 sœurs, Mina, 8 ans et Claudine, 5 ans dans la Maison d’Izieu. Elles furent déportées par le convoi n° 76 du 30 juin 1944 et assassinées à Auschwitz. (2)

Le 24.4.1994, le Président François Mitterrand inaugura le Musée Mémorial de la Maison d’Izieu déclarant en particulier : « Ne laissons pas le temps faire œuvre d’oubli au lieu de faire œuvre d’Histoire ». Ce jour-là, Madame Sabine Zlatin (3) avait définitivement gagné son combat pour la Mémoire des Enfants d’Izieu et de cette maison dans laquelle 44 enfants et 7 adultes vécurent leurs derniers moments de bonheur.

Leurs derniers moments de bonheur car le 6.4.44 deux camions et une voiture s’arrêtèrent devant la maison et une quinzaine de soldats allemands appartenant au 958ème bataillon de la défense antiaérienne encadrés par trois hommes en civil et deux officiers de la Gestapo regroupèrent avec violence et brutalité les occupants de la maison et « malgré les pleurs et les cris, les jetèrent dans les camions comme de vulgaires marchandises » d’après les témoignages des voisins. J’ai lu que, comme ultime acte de résistance et sous la direction des adultes, les enfants chantèrent en chœur « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ».

Enfermés au fort Montluc à Lyon, les 44 enfants et leurs 7 accompagnateurs furent transférés à Drancy le 8 avril où ils portèrent les numéros 19.185 à 19.235. Le 13 avril, une semaine après la rafle, 34 enfants et 4 éducateurs furent déportés à Auschwitz par le convoi n° 71. Après plus de 80 heures d’un voyage inhumain et épuisant dans des wagons à bestiaux, les enfants furent immédiatement gazés.

Les autres enfants et leurs éducateurs furent déportés par les convois 72, 74, 75 et 76 entre le 20 avril et le 30 juin alors que Miron Zlatin et deux adolescents, déportés par le convoi n° 73, furent fusillés en Estonie fin juillet.

Seule, Laja Feldblum, originaire de Pologne, une éducatrice de 26 ans, reviendra de déportation.

LA CULPABILITE DE BARBIE


Si, à ma connaissance, la présence de Barbie lors de la rafle ne fut pas établie, il en est indiscutablement par contre le responsable direct. Les Etats-Unis l’utilisèrent pendant la guerre froide puis le firent passer en Amérique du sud. Du Pérou il se rendit en Bolivie où il mit « ses compétences » au service de la dictature. Se faisant appeler Klaus Altmann et disposant d’un passeport diplomatique bolivien, il se déplaça en Europe afin d’acheter des véhicules militaires destinés à la répression des manifestations d’opposition. Il fut débusqué grâce à la ténacité et au courage « de deux femmes - l’une du peuple martyr [Mme Halaunbrenner, mère de Mina, 8 ans et Claudine, 5 ans assassinées], l’autre du peuple bourreau [Beate Klarsfeld] [qui] étaient allées au bout du monde pour réclamer justice » (4).

Après un changement de pouvoir politique en Bolivie, Barbie en fut expulsé vers la France début février 1983 et incarcéré à la prison de Montluc à Lyon, là-même où il avait sévi et où les enfants d’Izieu transitèrent avant leur transfert à Drancy.

Le procès Barbie s’ouvrira le 11 mai 1987 devant la cour d’assises du Rhône mais il refusa lâchement d’assister aux audiences.

Il y eut les témoignages d’une grande résistante âgée de 86 ans torturée par Barbie lui-même, d’une femme de 57 ans, arrêtée avec ses parents à l’âge de 13 ans par Barbie le jour du débarquement allié en Normandie qui vit sa mère gazée et son père abattu à ses pieds à Auschwitz. Il y eut naturellement les témoignages des proches des enfants d’Izieu. Après 4 jours de plaidoiries, Barbie fut condamné à la réclusion à perpétuité le samedi 4 juillet 1987. Ce criminel mourut en prison le 25 septembre 1991.

J’ai encore en mémoire cette réflexion de Serge Klarsfeld :« Les enfants d’Izieu n’ont rejoint leurs parents que dans la fumée d’Auschwitz » (5).

Comment Barbie eut-il connaissance de la présence d’enfants Juifs à Izieu ? En septembre 1945, des recherches mirent en accusation un réfugié lorrain paysan dans une commune proche d’Izieu. Cet homme avait des rapports avec les Allemands et embauchait un des adolescents de la maison d’Izieu. Le 6.4.44 il aurait accompagné la Gestapo et aurait assisté à l’« arrestation » des occupants de la Maison d’Izieu. Faute de preuves, cet homme ne fut pas accusé de dénonciation mais fut cependant condamné à la « dégradation nationale à vie » pour intelligence avec l’ennemi.

En tout état de cause, il y eut au moins une dénonciation car le sous-préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, cité en (2), déclara avoir reçu au cours de l’hiver précédant la rafle une lettre non signée indiquant que « les enfants de la colonie étaient Juifs ». Mais, lors de son procès, Barbie n’en fit jamais mention.

ZAKHOR

Mes enfants chéris,

- vous vous appeliez Sami, Hans, Nina, Max, Jean-Paul, Esther, Elie, Jacob, Jacques, Barouk, Majer, Albert, Lucienne, Egon, Maurice, Liliane, Haïm, Joseph, Mina, Claudine, Georges, Arnold, Isidore, Rénate, Liane, Max, Claude, Fritz, Alice, Paula, Marcel, Théodor, Gilles, Martha, Santa, Sigmund, Sarah, Max, Herman, Charles, Otto, Emile,

- vous étiez des orphelins et vous aviez réappris à vivre, à rire, à chanter comme tous les autres enfants, grâce à Sabine, Miron et vos éducateurs,

- vous avez été brutalisés, transportés dans des wagons à bestiaux, gazés et brûlés par des gens comme Barbie et par toute une clique d’assassins qui avaient décidé que vous n’aviez pas votre place sur terre car vous étiez Juifs.

Mais vous ne serez jamais une statistique car


- il nous reste de vous, outre vos noms gravés sur une plaque en marbre apposée sur la façade de la maison dans laquelle vous connurent vos derniers jours de bonheur, votre état-civil, vos photos avec vos sourires innocents grâce à Beate et Serge Klarsfeld (1). De plus, grâce au Rabbin Daniel Farhi, vos noms sont lus à l’occasion du Yom HaShoah (6) tous les 2 ans, vous qui n’eûtes pas droit à un Kaddish, vous qui, comme toutes les victimes de la barbarie et la sauvagerie, êtes des « morts sans sépulture ».

- il nous reste de vous un monument-colonne de 5 mètres de haut près de l’endroit où des sauvages, vous « arrêtèrent »,

- il nous reste de vous, en particulier de Georgy Halpern, 8 ans (1), des lettres émouvantes et des dessins naïfs sur lesquels figure très souvent le drapeau français. Et pourtant, plus de la moitié d’entre vous n’était pas née en France mais, malgré votre jeune âge, vous aviez déjà reçu une éducation qui vous firent aimer ce pays, ce pays dont le gouvernement d’un certain Maréchal qui avait perdu le sens de l’honneur vous trahit et vous condamna à mort !

Vous faites partie des 11400 enfants déportés Juifs de France (1). Vous faites partie du million et demi d’enfants Juifs assassinés en Europe par des sauvages de mémoires maudites.

Que vos mémoires et celles de tous nos innocents assassinés soient bénites ! Amen !

Un ami (très) religieux me faisait remarquer que demain Chabbat, ce Chabbat qui se trouve en plein milieu de Pessah, dans toutes nos Synagogues, nos Rabbins et Officiants nous ferons lire la Haphtara de la résurrection tirée des prophéties d’Ezéchiel que nous retrouvons dans nos trois prières journalières :

« Vénééman ata léha’hayot métim. Baroukh ata Hachem mé’hayé hamétim »
« On peut te faire confiance pour ressusciter les morts. Sois béni, ô Eternel, qui ressuscite les morts ».

Charles Etienne NEPHTALI
Vendredi 6 avril 2007



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(1) En ce moment et jusqu’au 29 avril, l’Association des F.F.D.J.F. et la Mairie de Paris organisent à l’Hôtel de Ville de Paris une remarquable exposition sur « Les 11400 enfants Juifs déportés de France entre juin 1942 et août 1944 ». Tout le monde devrait s’y rendre. Vous y verrez les petits visages innocents de celles et ceux qui aujourd’hui auraient pu être nos Parents ou nos Grands-Parents sans la sauvagerie et l’inhumanité de gens comme Papon, Barbie et autres criminels du même acabit. Vous pourrez également acquérir des ouvrages édités par les F.F.D.J.F. et, en particulier, pour la tragédie des enfants d’Izieu, « Georgy, un des 44 enfants de la Maison d’Izieu » et « Les enfants d’Izieu, une tragédie juive ».
(2) La famille d’Alexandre fut pratiquement entièrement anéantie à cause de Barbie ! Jacob, le père, 41 ans, fut assassiné par la Gestapo de Barbie le 24 novembre 1943 de 17 balles de mitraillette. C’est Alexandre lui-même qui identifia le corps. Son frère aîné, Léon, 14 ans, fut transféré à Drancy et déporté le 17 décembre 1943 par le convoi n° 63 vers Auschwitz où il fut assassiné. Madame Halaunbrenner, la mère d’Alexandre, participa activement à la traque de Barbie en Bolivie (4).
(3) C’est grâce à l’aide du sous-préfet de Belley, Pierre-Marcel Wiltzer, désobéissant aux ordres à l’inverse de Papon, n’en déplaise à M. Barre, que Sabine Zlatin, Française d’origine juive polonaise, infirmière militaire ayant perdu son emploi en application des lois anti-juives de Vichy, fonda avec Miron, son mari, la Colonie d’enfants réfugiés de l’Hérault afin de les soustraire aux rafles et leur redonner goût à la vie en leur réapprenant peu à peu à rire et à jouer. Cette tragédie a été remarquablement reconstituée dans le téléfilm « La Dame d’Izieu » d’Alain Wermus récemment diffusé sur TF1.
(4) Phrase extraite de l’ouvrage « Les enfants d’Izieu, une tragédie juive », page 118. Les dates et numéros de convois ainsi que les dates d’« arrestation » et d’assassinats sont extraites du même ouvrage.
(5) On fit toujours croire aux malheureux enfants dont les parents avaient déjà été déportés, et on voulu aussi faire croire à la population, qu’ils allaient « rejoindre leurs parents ». On peut lire cela en particulier dans « Sans oublier les enfants » d’Eric Conan (Grasset) qui traite de ces 3500 enfants de 2 à 16 ans dont le calvaire commença au Vel’ d’Hiv’ les 16 et 17 juillet 1942 pour se poursuivre dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande entre le 19 juillet et 16 septembre 1942. Un mémorial en souvenir de ces 3500 enfants sera inauguré début 2008.
(6) La cérémonie du Yom HaSoah aura lieu le dimanche 15 avril et la lecture des Noms des Déportés Juifs de France se déroulera du dimanche 15 à 20 heures 15 au lundi 16 à 18 heures 45 (convoi n° 36) au Mémorial de la Shoah à Paris.

TEXTE REPRIS DU SITE DESINFOS

mercredi 11 avril 2007

COMMUNIQUE


12 avril: Séminaire sur les déportations nazie (Maison de l'Amérique Latine)

10/04/07



Contact : Maison de l'Amérique Latine

[Information aimablement transmise par lawoffice.niyonzima.]

Mis en ligne le 10 avril mars 2007, par M. Macina, sur le site upjf.org