jeudi 3 janvier 2008

QUAND LES NEGATIONNISTES S'INVITENT DANS LES REDACTIONS

Par Thomas Rozec (Etudiant et journaliste)

Il est de notoriété publique que le Web est devenu l’espace privilégié des théoriciens négationnistes pour exprimer leurs points de vue concernant l’Holocauste. Cependant, certains d’entre eux semblent ne pas avoir définitivement renoncé au papier. Une publication s’inscrivant dans cette sphère de pensée a, en effet, fait son apparition au sein du courrier des rédactions françaises. "Destinée aux médias", la "petite revue d’histoire révisionniste" Dubitando, éditée aux Pays-Bas, leur est adressée gratuitement.

Les thèmes classiques de la littérature négationniste
Il suffit de parcourir d’un oeil distrait le sommaire de n’importe quel numéro de Dubitando, publiée depuis septembre 2004, pour comprendre immédiatement de quoi il s’agit. Les auteurs qui y tiennent tribune sont, pour certains, bien connus en France et dans le monde. On retrouve parmi eux, notamment, le célèbre professeur Robert Faurisson, condamné plusieurs fois pour "contestation de crimes contre l’humanité".
D’emblée, le lecteur est prévenu: les textes seraient repris "sans consentement de leurs auteurs":
"Si l'achat, la détention et la lecture d'écrits contestant la version officielle de l'Histoire ne sont pas interdits, en revanche, leur diffusion est le plus souvent interdite en raison de lois scélérates qui (…) réglementent les droits à la liberté de recherche ou d'information et à la liberté de la presse."
L’éditeur, Maurice Haas-Cole, occupe une large place dans les productions présentées. Les thèmes abordés mêlent grands classiques de la littérature négationniste -dénonciation du "lobby juif" et de textes "liberticides" tels que la loi Gayssot, le déni de l’existence des chambres à gaz et de la volonté génocidaire du pouvoir nazi- et les nouveautés de saison, comme des reprises de déclarations du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ou de Dieudonné…
"Je pense avoir reçu quelques exemplaires, ça partait direct à la poubelle"
En elle-même, Dubitando n’a rien d’extraordinaire pour qui est un peu familier de la nébuleuse négationniste. Derrière son paravent "révisionniste", on retrouve tous ceux qui, sur Internet, le plus souvent, participent à la diffusion et à la promotion d’une vision de l’Histoire à travers le prisme d’un antisémitisme acharné.
En quelques clics, on arrive très rapidement à dénicher les accointances de Dubitando, et notamment celles qui l’unissent à l’Association des anciens amoureux des récits de guerre et d’holocauste, l’Aaargh. Ce repère de nombreuses figures de proue du négationnisme international héberge en effet sur son site l’ensemble des numéros de Dubitando, téléchargeables gratuitement.
Malgré tout, là où la revue étonne, c’est par son mode de diffusion. En l’adressant directement aux journaux français, les tenants de Dubitando comptent-t-ils voir leurs développements repris dans les quotidiens?
"Je pense avoir reçu quelques exemplaires sans même m’en préoccuper, ça partait direct à la poubelle", explique Olivier Clech, rédacteur en chef du quotidien breton Le Télégramme:
"Un jour ayant un peu plus de temps disponible, j’y ai mis le nez. Ma réaction a été de stupéfaction et d’indignation que ce genre de littérature puisse circuler impunément. J’ai supposé que nous n’étions pas la seule rédaction de France à être destinataire mais je n’ai jamais eu d’échos d’autres rédacteurs chefs."
Il y a deux ans déjà, sur l’antenne de France Culture, dans l’émission d’Elisabeth Lévy "Le premier pouvoir", Alain Rémond, ancien rédacteur en chef de Télérama et chroniqueur au sein de l’hebdomadaire Marianne, avait évoqué la revue, disant la recevoir, lui aussi, régulièrement.
Quel est le sens de la démarche? Dubitando souhaite-t-elle se faire un réseau? S’insérer dans le paysage de la presse? La revue ne paye pourtant pas de mine et tient plutôt du fanzinat que du magazine. Ses rédacteurs testent-t-ils les limites et la perméabilité des publications classiques à leurs propos? Joint par nos soins, Maurice Haas-Cole, n’a pas souhaité s’exprimer sur les motivations de sa revue.

Publié par MICHELLE GOLDSTEIN

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