mardi 27 janvier 2009
Le pape Benoît XVI
L’Allemagne ne pardonne pas le «péché» de son pape, Michel Verrier
En voulant réintégrer une communauté intégriste, Benoît XVI a déclenché une flambée d’indignation dans son pays.
("La Tribune de Genève").
Texte repris du site de La Tribune de Genève.
Provocation ou coïncidence? C’est à côté de Regensbourg, cette paroisse de la Bavière que Benoît XVI considère comme sa patrie, que l’évêque Richard Williamson a enregistré son interview niant l’holocauste et les chambres à gaz. Le prélat animait un séminaire de la fraternité Pie X. Il avait mis en garde ses interlocuteurs contre la diffusion de ses paroles qui risquaient «de lui coûter la prison». Le procureur de Regensbourg affirmait effectivement, en fin de semaine dernière, avoir ouvert une enquête contre lui.
Le négationnisme en Allemagne est un crime et peut être puni de cinq ans de prison. Que Benoît XVI, le pape allemand, n’hésite pas à ouvrir les portes de son église à cet «évêque antisémite» est un acte de «provocation pratiquement inimaginable», tonne le vice-président du consistoire des juifs en Allemagne, Dieter Grauman, une quasi-rupture du dialogue judéo-chrétien. «Qui honore un négationniste se déshonore lui-même», insiste-t-il, soulignant que l’antijudaisme imprègne l’ensemble de la communauté intégriste de la fraternité Pie X, qui décrivait encore récemment dans une lettre officielle les juifs comme les «meurtriers de Dieu».
Son indignation est unanimement relayée par les commentateurs, tous médias confondus. Le quotidien munichois, Süddeutsche Zeitung, balayait hier du revers de la main l’argument avancé par le Vatican, selon lequel le pape n’a pas à se prononcer sur les déclarations de Williamson. Le quotidien libéral, Frankfurter Rundschau, stigmatisait, lui, le «péché du pape», interrogeant: «Quelle serait la réaction, si un dignitaire musulman assurait que 200 000 à 300 000 juifs, tout au plus, ont péri dans les camps de concentration et que les chambres à gaz n’ont jamais existé?»
Vague de protestations
La conférence des évêques allemands, qui se félicitait encore samedi de la levée d’excommunication papale, comme «d’un pas en avant dans l’unité de l’Eglise», était contrainte, hier, de se distancier des déclarations de l’évêque Williamson. Sans contenir pour autant une vague de protestations, qui ébranle à son tour les rangs des catholiques.
Benoît XVI ruine à nouveau son image dans un pays où la religion et l’œcuménisme gardent une dimension sociale et politique de taille.
Connu pour son conservatisme, son dogmatisme, son élection avait laissé bien des Allemands froids. Les protestants en premiers. Il avait su conquérir la sympathie de ses concitoyens, en septembre 2006, lors de son voyage en sa Bavière natale. Mais il a blessé, depuis, tour à tour les protestants, en leur contestant la qualité d’Eglise, les juifs, en prônant leur reconnaissance de Jésus comme «le sauveur». En renouant ouvertement avec les intégristes de la droite extrême, le pape allemand semble revenu à sa case départ.
Michel Verrier
© La Tribune de Genève
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