lundi 25 février 2008

DES POLONAIS DECOUVRENT LEURS RACINES JUIVES

Des Polonais découvrent leurs racines juives
par Claire Dana Picard


Plus de 150 Polonais, qui ont découvert récemment leurs racines juives, se sont retrouvés la semaine dernière à Lodz pour une cérémonie organisée par l'organisation Shavei Israël dans la synagogue de Nozyk. C'est Michael Freud, président de cette association, qui est l'instigateur de cette rencontre exceptionnelle. Il a confié ses impressions au site de Galei Tsahal, la radio de l'armée.

Il a raconté l'émotion des participants qui, récemment encore, se croyaient chrétiens. Il a précisé qu'ils étaient venus passer le Shabbat ensemble pour en apprendre davantage sur leurs racines juives. Il a ajouté qu'un certain nombre d'entre eux avaient déjà laissé entendre qu'ils souhaitaient se convertir au judaïsme et monter en Israël.

Le témoignage de Pinhas, qui a pris la parole depuis la tribune de la synagogue, a suscité une grande émotion au sein de l'assistance. Pinhas, qui militait dans un groupe de skinheads néonazis, a raconté qu'il avait découvert avec stupéfaction qu'il était d'origine juive.

Il a indiqué : 'Ma femme s'est demandée" un jour si elle n'avait pas de sang juif dans les veines. Elle est donc allée faire des recherches sur ses origines. C'est alors qu'elle a découvert des documents prouvant que j'appartenais moi aussi à la nation que je haïssais tant".

La mère de Pinhas lui a alors révélé qu'elle avait été une enfant cachée pendant la Seconde Guerre mondiale et avait été placée dans un monastère afin de survivre aux horreurs de la Shoah.

Cette révélation a complètement bouleversé la vie du jeune homme qui a commencé à faire des recherches sur ses racines juives. C'est ainsi qu'il a appris que toute sa famille avait été massacrée par les Nazis. Pinhas, qui est devenu un Juif religieux très actif dans la communauté, a confié aussi son histoire exceptionnelle aux reporters de la conférence annuelle des Juifs cachés de Lodz, en Pologne.

A l'issue de cette journée mémorable, huit rabbins dirigeant des communautés juives polonaises ont annoncé la résurgence de l'Union des Rabbins de Pologne. Ils avaient à leurs côtés le grand rabbin d'Israël Yona Metzger. Ils ont précisé que cette nouvelle institution se préoccuperait, comme par le passé, des besoins des Juifs du pays.

samedi 23 février 2008

SOUS LES PAVES , LA PLAGE

"Les jeunes sur scène répercutent les voix qui ont été étouffées avant l'heure.
Ces jeunes nous les font entendre et ensemble, ils chantent l'espoir de nouvelles voies"

Shimon Peres, Président de l'Etat d'Israël

Ce message illumine l'écran géant tandis que, sur la scène, un orchestre de Lilliputiens accorde ses instruments. Nous sommes au Palais de l'UNESCO. Comme tous les deux ans, les enfants prodiges d'Israël se produisent au profit de Yad Layeled * ("Un Lieu pour l'enfant"). Ce musée de St Jean d'Acre est dédié aux seuls enfants morts durant la Shoah.

Musée unique au monde sur les enfants, pour les enfants. Il raconte la vie des enfants déportés à partir des documents laissés par eux-mêmes.

Ce musée permet de raconter ces enfants vivants, pour les garder vivants dans les mémoires.

Il n'en constitue pas moins un testament. Quand des enfants finissent au musée et laissent un testament au monde à venir, il est temps de se poser la question sur ce monde.

Quel adulte digne des ogres mangeurs d'enfants peut conduire un million et demi d'innocents dans les vitrines d'un musée ?

Quels adultes inconscients peuvent effacer d'un revers de main cette tragique page d'histoire contemporaine, et la culpabilité collective qu'elle suscite?

Mais la musique est là pour un moment de communion avec ce qu'Israël peut offrir de plus beau: une jeunesse éclatante et saine, cent quarante quatre enfants de onze à dix sept ans, qui vont tour à tour nous émouvoir nous éblouir.

Des solistes dignes des plus grands interprètes qui interpellent et posent la question implicite: Combien d'autres futurs-ex virtuoses sont aujourd'hui de simples petits cartons dans les tiroirs du musée?

La chorale dirigée par le directeur de l'Opéra de Tel Aviv chante; l'autre, le frère, le différent: Ismaël, Ismaël et poursuit sur le poème de Barzilaï "j'avais un ami, un jour il fut emmené à la douche, et je ne le vis plus jamais".

Mais revenons en France où une proposition officielle provoque bien des remous. Le constat est sévère: Selon une enquête Ifop, 85% des sondés désapprouvent l'idée que chaque élève de CM2 se voie confier la mémoire d'un enfant juif mort. Les aménagements proposés ne convainquent pas non plus. (Le Figaro 22 02 08)

Je ferme les yeux, je me bouche les oreilles, circulez, il n'y rien à faire, rien à voir.

Et pourtant ! Une enseignante en charge de jeunes Gitans dans le sud de la France m'explique que son travail sur la mémoire de la Shoah est désormais central avec ces enfants: Personne ne leur en avait jamais parlé! Nombre d'entre eux savent seulement qu'un parent proche ou lointain est "mort la bas très loin, il parait chez des sauvages, on ne m'a pas dit pourquoi, mais il ne faut pas en parler".

On en parle dans cette classe, on regarde et on projette des documents, on visionne des films de l'époque.

Des enfants qui passaient jusque là pour ne s'intéresser à rien, posent des questions, veulent comprendre, veulent savoir. Qui sont ils? D'où viennent ils? Que s'est il passé pour leur peuple ? Un fondamental cheminement de recentrage, d'appartenance, pour des enfants vécus par le système comme des épaves.

La mémoire, parlons en justement, sans manipulation aucune.

Eté 1942 à Paris

Vers le 15 Août 1942, sont déportés de Pithiviers et Beaune la Rolande, les enfants de moins de douze ans séparés de leurs parents. N'oublions jamais que Laval a suggéré aux Allemands de déporter aussi les enfants.

Le massacre des innocents est entrepris. Il nous suffira de transcrire dans leur vérité crue, des extraits de témoignages d'adultes en charge de ces enfants. Le lecteur se fera juge de la difficulté à transmettre l'intransmissible. Face au négationnisme rampant, il nous faut pourtant laisser des traces.

Voici quelques parcours anonymes abandonnées au lecteur tels une poignée tragique de feuilles mortes. Le livre mémorial de Serge et Beate Klarsfeld (Le mémorial de la déportation des juifs de France) nous guide dans cette descente aux enfers.

Professeur Georges Wellers:

"Dans la 2ème moitié d'Août, on amena à Drancy 4000 enfants sans parents, âgés de 2 à 12 ans. On les déchargea des autobus au milieu de la cour, comme de petites bestioles. La plupart ne savaient pas où étaient leurs bagages difficiles à reconnaître, et pendant longtemps des enfants de quatre, cinq, six ans se promenaient parmi eux, croyant à chaque instant retrouver le leur.

Les enfants se trouvaient par 100 dans les chambrées. C'était l'époque de la soupe aux choux à Drancy. Tous les enfants souffrirent d'une terrible diarrhée. Ils salissaient leurs vêtements et les matelas sur lesquels ils passaient jour et nuit.

Chaque nuit on entendait sans interruption les pleurs des enfants désespérés, et, de temps en temps des cris aigus des enfants qui ne se possédaient plus.

La veille de leur déportation les enfants passèrent à la fouille, comme tout le monde. Les garçons et les fillettes de deux ou trois ans, entraient avec leur petit paquet ou les inspecteurs de la "Police aux Questions Juives" fouillaient les bagages. Les petites broches, les boucles d'oreilles les petits bracelets des fillettes étaient confisqués par les PQJ."

Odette Daltroff-Baticle, elle-même internée puis libérée, écrit dans ses notes:

"Le capitaine Vieu, sombre brute, met en prison un adorable petit garçon de trois ans. Des autobus arrivent. Nous en sortons des petits êtres dans un état inimaginable. Ils ont entre 15 mois et 13 ans. Leur état de saleté est indescriptible. Ils ont tous la dysenterie. Leur linge est souillé et leur petit baluchon ne vaut guère mieux.

Jamais nous n'oublierons les visages de ces enfants. Ils sont graves, profonds. Dans ces petites figures, l'horreur des jours qu'ils traversent est stigmatisée en eux.

Une petite fille de 5 ans me dit "n'est ce pas madame, ils ne me la prendront pas ma médaille, c'est pas de l'or"

Les petits ne savent pas leur nom "mais je suis le petit frère de Pierre!"

Les coucher à trois ou quatre sur des paillasses infectes. Beaucoup n'avaient plus de chaussures et sont partis nus pieds. Avant le départ on les passait à la tonte. Un petit garçon pleurait à chaudes larmes. Il avait 5 ans Des cheveux blonds bouclés. Il ne voulait pas qu'on lui coupe les cheveux sa maman en était si fière, il fallait qu'elle retrouve son petit garçon intact.

Nous devions les préparer au départ à partir de trois heures du matin. En entrant dans ces chambrées il y avait de quoi se trouver mal. Les plus petits étaient incapables de porter leur petit paquet. Les gendarmes sont montés et ont bien su les faire descendre.

Au moment du départ, je ne puis oublier la voix de ce petit garçon de 4 ans qui répétait sans arrêt sur le même ton avec une voix grave de basse incroyable dans un si petit corps

"Maman, je vais avoir peur, maman, je vais avoir peur"

Julie Cremieux-Dunand, dirigeante de la Croix Rouge:

On a vu un garçonnet de 8 ans se jeter sur sa petite sœur, la prendre dans ses bras et dire : "Je ne veux pas qu'on me l'enlève, je n'ai plus qu'elle"

Les enfants n'ont pour boire que des boites à conserve vides. Certains nous tendent une boite à sardine que nous remplissons plusieurs fois. Comment oublier tout cela?

Ils dorment enlacés, de petits bonshommes de trois ans protégeant les plus petits.

Mémoire, Histoire.
Wiesel l'avait dit en son temps: "Laissez les morts enterrer les morts".

Josiane Sberro© Primo, 22 février 2008

* http://www.yadlayeled.org

vendredi 22 février 2008

La Résistance n’a pas appelé à sauver les Juifs

La Résistance n’a pas appelé à sauver les Juifs

vendredi 22 février 2008,
Jean-Louis Crémieux-Brilhac historien.
Source :Libération jeudi 21 février 2008

Comment dire le malaise qu’éprouve l’historien après la diffusion du docu-fiction de mardi soir sur France 2 [la Résistance, « Quand il fallait sauver les Juifs », ndlr] ?

France Télévisions a patronné un film sur le drame des Juifs de France dans les années 1940-1944 et l’a programmé à une heure de grande écoute, alors que la Shoah a été occultée un quart de siècle, bravo ! Les auteurs n’ont pas hésité à souligner l’indignité du gouvernement de Vichy, qui a délibérément mis les Juifs de France hors de la loi commune et qui a participé à la déportation de 76 000 d’entre eux, dont 73 500 allaient être exterminés ; ils ont eu, de surcroît, le mérite de mettre en lumière des héros injustement ignorés : encore bravo !

La réalisation visuelle est remarquable au point de faire passer pour documents d’époque des séquences totalement irréalistes ou dont le tournage aurait été inconcevable dans la clandestinité, comme un long défilé d’enfants juifs cheminant dans la neige vers la frontière suisse. Faut-il dire bravo ? Admettons que ce soit la loi du genre. La méconnaissance de la Résistance dont témoigne ce film est d’autant plus choquante. Non, le salut des Juifs n’était pas un des deux volets majeurs de l’action résistante, comme la programmation de lundi et mardi voudrait le faire croire. Faut-il rappeler que le mot d’ordre « Il faut sauver les Juifs » n’a jamais été lancé ni par le Conseil national de la Résistance, ni par la France libre dans les années 1943-1944, ni par la presse clandestine, mis à part les Cahiers du Témoignage chrétien. Le titre même de l’émission est un faux-semblant.

Certes, c’est grâce au courage de certains Français que la proportion des Juifs qui ont été déportés de France a été moindre qu’aux Pays-Bas, par exemple (grâce aussi à l’existence, jusqu’à 1942, de la zone non occupée et au fait que la France a été le premier pays libéré). La juste perspective eût été de montrer que les initiatives en faveur des Juifs ont été seulement (mais c’était déjà beaucoup) une action de sauvetage dans l’ensemble des actions à l’actif d’une résistance multiforme.

Laisser entendre, comme le fait le commentaire du film durant son dernier quart d’heure, qu’un immense mouvement de solidarité a soulevé la masse des Français, de 1943-1944, en faveur des Juifs, ce qui apparaît comme la leçon à en retenir, est une imposture. C’est vouloir construire une légende. Il va de soi que l’opinion publique n’était plus, en 1944, ce qu’elle avait été au lendemain du désastre : l’approche de la Libération a freiné le zèle répressif et stimulé de beaux dévouements. De là à extrapoler à la nation entière, et même à la Résistance entière, ce qui fut le mérite admirable de quelques mouvements, de quelques groupes ou de quelques individualités, il y a plus qu’une marge.

Un excès de bon vouloir, un désir de bonne conscience patriotique transforment en un film de propagande un film qui devrait s’en tenir aux exigences d’un film d’histoire, dont les noms d’Annette Wieviorka et de Jean-Pierre Azéma figurant au générique semblent cautionner, abusivement, la totale véracité. Dommage.

jeudi 21 février 2008

NICOLAS SARKOZY, LA SHOAH ET LES ENFANTS

Editorial de la semaine du 23/02/2008
Par Guy Senbel pour Guysen International News
Vendredi 22 février 2008 à 01:34

Cette semaine, nous souhaiterions attirer l’attention de nos lecteurs sur la polémique nourrie par les propos du Président français sur la pédagogie de la Shoah au cours du dîner du CRIF le 13 février dernier. Le projet de confier à chaque élève de CM2 la mémoire d’un enfant disparu dans la Shoah a suscité des réactions très vives. Psychanalystes, enseignants, syndicats d’enseignants, opposants, politiques ont tenté d’exploiter ce qu’ils croyaient être une faille dans la « pensée » ou la « stratégie » de Nicolas Sarkozy, qui répondait au souci exprimé par le Président Richard Prasquier de poursuivre le travail de mémoire et d’enseignement de la Shoah.

Des bruits ont circulé sur la tentative de récupération du vote juif à quelques semaines des élections municipales, certains ont même expliqué qu’il s’agissait d’un prolongement de son discours sur la morale et la laïcité. Mauvais procès politiques ou idéologiques. Et puis, bien d’autres sujets auraient pu susciter polémiques et réactions : ses propos sur la « colonisation », la vente du nucléaire civil aux pays du Moyen Orient, son discours sur la Pologne…

Simone Veil, qui participera finalement à la mission de Xavier Darcos sur la Shoah, avait formulé des commentaires sévères contre la proposition de Nicolas Sarkozy : « inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste ». En écho, l’historienne Annette Wieviorka complétait : « Je trouve étrange et malsain que ce Président qui prétend représenter la jeunesse, ne donne aux jeunes comme modèles que les jeunes assassinés »...

Comme si l’essentiel avait été oublié. En parlant des enfants, des onze mille enfants juifs de France déportés et exterminés à Auschwitz, le Président de la République a touché à ce qu’il y a de plus triste et de plus injuste, de terrible et d’incompréhensible : la mort des enfants auxquels le cinéaste Louis Malle nous avait appris à dire « au revoir ».

De Raul Hilberg à Saul Friedländer, les grands spécialistes de l’histoire de la Shoah ont écrit qu’ils ne parviendraient jamais à comprendre les crimes commis contre les enfants, dans les ghettos, les camps, à l’occasion des tueries collectives.

L’extermination des enfants apparaît comme l’aboutissement du système mis en place pour détruire les Juifs d’Europe. Les violences, les tortures, les expériences médicales qu’ils subirent sont indicibles, inconcevables.
Ce qui est inexplicable risque de s’oublier. Il faut inlassablement le répéter, inlassablement le dire et parfois le crier : il est interdit d’oublier Auschwitz, et il est interdit d’oublier que 90% des victimes d’Auschwitz étaient des Juifs. Il est interdit d’oublier qu’un million cinq cent mille enfants juifs furent déportés et exterminés. Les enfants, voilà l’inexplicable.

Nicolas Sarkozy a proposé de mettre la mémoire en action. La mémoire des enfants juifs disparus, rappelée par des enfants qui prendront ainsi conscience de l’atrocité et de la complexité de la condition humaine. Les plaques commémoratives ne suffisent pas. Les livres ne sont pas lus. La mémoire se transmet par la connaissance et par l’émotion.

Le projet initial a été sensiblement modifié, mais contre l’oubli, les classes de CM2 reconstitueront avec leurs professeurs l’itinéraire d’un enfant de la Shoah. Serge Klarsfeld se dit favorable à cet exercice de mémoire : « les élèves qui se souviendront d’un enfant dont la vie a été tranchée par l’intolérance et la haine raciste seront mieux armés contre les idéologies extrêmes et contre la violence ». Le devoir de mémoire devient un acte de mémoire, qui concerne toute la République. La mémoire juive, c’est aussi la mémoire de la France.
Encore une fois, par pudeur ou ignorance, la mémoire de la Shoah a réveillé « un passé qui ne passe pas ».

En Israël, dès l’âge de 5 ans, les enfants observent aussi le silence pendant que retentit la terrible sirène qui oblige les Israéliens à ne pas oublier, debout, la tête basse. Souvent les larmes coulent sur les joues des adolescents, qui prennent conscience de l’ampleur de la catastrophe, après avoir écouté pendant leur enfance, des histoires d’enfants qui leur ressemblaient. C’est cette conscience-là qu’il faut faire partager, parce que la mémoire d’Auschwitz est universelle.

A New York, des classes d’enfants de onze ans, de Spanish Harlem ou du Lower East Side visitent la mémoire des enfants de leur âge disparus dans la Shoah. Dans les musées, les expositions ou au célèbre YIVO (Institut Scientifique Juif), ils découvrent qu’un monde s’est éteint et comprennent que sa mémoire doit être préservée.

Douze ans après la reconnaissance par Jacques Chirac de la responsabilité de l’Etat français dans la Shoah, Nicolas Sarkozy a levé un autre tabou. En 1945, dans les classes des écoles de France, il manquait onze mille élèves.

Ce soir, nous pensons à Guilad Shalit, Eldad Reguev et Ehoud Goldwasser. Nous pensons à leurs familles.

samedi 16 février 2008

MIGNON : " TRANSMETTRE LA SHOAH EST ESSENTIEL "

16 février 2008 - Propos recueillis par Florence Muracciole - Le Journal du Dimanche

Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, a joué un grand rôle dans la décision du président de la République de faire "porter par des élèves de CM2 la mémoire" des 11000 enfants juifs français disparus dans les camps de concentration nazis. Emmanuelle Mignon a accepté, pour le Journal du Dimanche, de revenir sur la genèse de cette idée. Extraits de l’entretien.

Lire l’article sur : http://www.lejdd.fr/

Vous avez travaillé avec le président de la République sur le discours du Crif ; comment a-t-il été décidé de confier la mémoire d’un enfant français victime de la Shoah à un enfant de 10 ans ?

Quand Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, il s’est énormément occupé des questions d’antisémitisme. On a beaucoup travaillé à l’époque sur le sujet, mais il y a un dossier sur lequel on avait du mal à avancer, c’était celui de l ’enseignement de la Shoah. Cet enseignement est fondamental, mais l’Education nationale rencontre parfois des difficultés pour le mettre en oeuvre, alors même que certains actes antisémites sont commis par des enfants de 10 ans contre des enfants de 10 ans. Devenu président de la République, Nicolas Sarkozy a souhaité qu’on travaille avec l’Education nationale et des représentants des institutions juives pour voir ce que l’on pourrait proposer sur le sujet.

Comment recevez-vous les réactions et notamment celle de Simone Veil qui a été très rude ?

On entend bien sûr les critiques. C’est un dossier sur lequel il y a un vrai enjeu politique et éducatif. Certains enseignants ont du mal à aborder la Shoah devant leurs élèves, ne savent pas comment s’y prendre, expriment un désarroi croissant. Des comparaisons avec d’autres conflits surgissent. Le président de la République a la volonté très nette de ne pas céder sur cet enseignement. Non seulement on ne doit pas fléchir devant la difficulté, mais on doit aider les enseignants en leur donnant de nouvelles pistes et empêcher les amalgames entre la Shoah et d’autres drames.

Mais ils existent aussi...

Personne ne le conteste, mais ce sont des drames politiques. Les enfants palestiniens, vietnamiens, d’autres encore ont été victimes de conflits politiques, qui doivent et qui sont enseignés ; mais avec la Shoah, les enfants ont été victimes du racisme. En enseignant la mémoire de ce génocide, on prémunit toute la société contre ce fléau.

Certes, mais pourquoi ne pas confier la mémoire des enfants arméniens, des enfants noirs victimes de l’esclavagisme... ?


Parce que tout le monde reconnaît que la Shoah est le crime raciste absolu. Il est donc logique de faire de l’enseignement de la Shoah l’instrument d’une lutte sans merci contre le racisme sous toutes ses formes et pas seulement contre l’antisémitisme. Ensuite se pose la question de savoir comment on en parle aux enfants et à quel moment.

Dans les discussions que nous avons eues avec le Président et Xavier Darcos, nous nous sommes interrogés à ce propos. En plus de l’histoire au secondaire, nous avons pensé qu’il fallait que le drame de la Shoah soit évoqué avant parce que l’on ne touche pas les collégiens de 15 ans de la même manière que les enfants plus jeunes.

C’est à eux que nous avons voulu nous adresser en proposant que les enfants soient sensibilisés aux conséquences dramatiques du racisme à travers l’histoire d’enfants du même âge qu’eux, vivant dans le même pays qu’eux.

LA TRAQUE DES NAZIS (6)

LA TRAQUE DES NAZIS (5)

LA TRAQUE DES NAZIS (4)

LA TRAQUE DES NAZIS (3)

LA TRAQUE DES NAZIS (2)

LA TRAQUE DES NAZIS

vendredi 15 février 2008

LE MEMORIAL DE 11 000 ENFANTS DERANGE

Miguel Garroté, Journaliste
http://www.monde-info.blogspot.com


Le 5 février, je publiais, un article, intitulé « Ou en est la culture judéo-chrétienne ? ». J’aurais peut-être mieux fait de ne pas poser cette question. Car les faits commentés ci-dessous, me donnent le sentiment désagréable, que la culture judéo-chrétienne, en est au stade irréversible, de l’affolante idiotie pathologique. Voyons cela.

Lors d’un dîner, au Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), mercredi 13 février le soir, Sarkozy, annonce, avoir demandé au gouvernement, de faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2, se voient confier, la mémoire, d'un des 11.000 enfants français, victimes de la Shoah. Le lendemain, jeudi 14 février, Gérard Bon et Emile Picy, du bureau parisien de l’agence de presse britannique Reuters, diffusent, sur le site pédant de gauche lexpress.fr, une dépêche, annonçant, que la proposition de Sarkozy, sur la mémoire de la Shoah, « fait débat ». A ce stade, j’aurais presque envie de répondre : et alors ?

Pour tenter de démontrer, que la proposition de Sarkozy, « fait débat », Reuters, sur lexpress.fr, cite notamment deux individus : Dominique de Villepin et Jean-Luc Mélenchon. L'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, poursuivi par les vagues de l’affaire Clearstream, déclare, sur Radio Classique : « Je ne crois pas que l'on puisse imposer la mémoire, que l'on puisse la décréter ou légiférer dans ce domaine ». La charge de la mémoire d'un enfant mort est quelque chose de très lourd à porter selon Villepin. Voilà ce qui « fait débat », selon Gérard Bon et Emile Picy, du bureau parisien de Reuters et selon lexpress.fr qui reprend leur dépêche.

Jean-Luc Mélenchon, sénateur socialiste et ancien ministre délégué à l'Enseignement professionnel, affirme, sur LCI : « Vraiment ce président est incroyable, un jour il est prédicateur (...) Maintenant le voilà transformé en instituteur. C'est lui qui décide ce qui est bon ou mauvais dans la manière de former les jeunes enfants (…) Il n'y a personne qui a demandé une chose pareille: ni le Crif ni aucune synagogue. Si la proposition présidentielle est mise en oeuvre, on n'en finira plus. Pourquoi vouloir à tout prix infliger une cure de mémoire. Est-ce qu'on va faire pareil sur l'esclavage ? ». Voilà ce qui « fait débat », selon Gérard Bon et Emile Picy, du bureau parisien de Reuters et selon lexpress.fr qui reprend leur dépêche.

Encore jeudi 14 février, Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction du magazine de gauche Marianne, écrit, que l'initiative de Sarkozy, provoque, un « profond malaise ». La tension monte ainsi d’un cran. Ce n’est plus « fait débat », mais « profond malaise ». Selon Nicolas Domenach, « L'intention peut paraître louable (…) Mais ce nouvel appel à la mémorisation enfantine devrait soulever encore plus de polémiques (…) dans cette charge d'âme infligée aux enfants (…) en jouant (…) du ressort émotif, si pernicieux (…) L'émotion à grosses doses tue la réflexion. L'émotion appelle l'émotion et submerge la raison. Elle pousse à la passion dévastatrice. Jusqu'au rejet meurtrier (…) La vie n'est pas un feuilleton hollywoodien (…) inutile de coller un fantôme comme un boulet derrière chacun. Prendre un enfant juif martyr par la main ? Et pourquoi pas aussi un enfant malheureux du Darfour ou de Palestine ? ». Voilà ce qui provoque, un « profond malaise », selon Nicolas Domenach, directeur-adjoint de la rédaction du magazine de gauche Marianne.

Et encore jeudi 14 février, c’est, aussi, du côté de la droite nationale, que l’on s’insurge. Ainsi, Bernard Antony, déclare, que « c’est pourtant une grave erreur, car une injustice discriminatoire, que vient de commettre encore Nicolas Sarkozy ». Et Antony de mentionner « l’extermination de la Vendée », « les milliers de réfugiés cambodgiens qui n’oublient pas que dans le génocide communiste des Khmers rouges », les « immigrés venus des pays de l’Europe de l’Est où le communisme perpétra encore d’immenses exterminations », les « Arméniens, Chaldéens rescapés des génocides perpétrés par les Turcs ». Antony poursuit : « En n’inculquant d’une manière continue, comme monsieur Sarkozy continue à le faire, qu’une mémoire discriminatoire on ira à l’encontre du but recherché (…) Pourquoi susciter si évidemment le sentiment qu’il n’y aurait de compassion que pour la souffrance du peuple juif ? Comment ne pas comprendre que cette sélectivité dans l’indignation mémorielle entraînera la conclusion que l’on fait du racisme dans la mémoire ? ». Ce n’est plus « fait débat » ou « profond malaise », mais « le sentiment qu’il n’y aurait de compassion que pour la souffrance du peuple juif ». La tension monte ainsi de plusieurs crans et pas des moindres.

Toujours jeudi 14 février, Philippe Carhon, sur le site catholique traditionaliste Le Salon Beige (LSB), poste un commentaire, qui abouti, à cette réflexion de LSB : « Encore un devoir de mémoire sélectif (…) Nicolas Sarkozy ne semblant visiblement connaître qu'une période de l'histoire de France lorsqu'il s'agit de devoir de mémoire ».

Aujourd’hui vendredi 15 février, c’est Thierry Lévêque, de Reuters, dans une dépêche reprise sur lexpress.fr, qui remet ça. Il reproduit les propos, parus dans Libération, d’un « historien spécialiste de l'Occupation » : un certain Henry Rousso. Celui-ci critique vivement l'initiative de Sarkozy : « La nouvelle initiative apparaît incongrue, jetée dans l'espace public (…) le bruit médiatique vient, une fois de plus, troubler le respect et le silence des morts (…) la méthode présidentielle est morbide et inutile (…) le passé est devenu un entrepôt de ressources politiques ou identitaires, où chacun puise à son gré ce qui peut servir ses intérêts immédiats ». Ce n’est plus « fait débat », « profond malaise » ou « sentiment qu’il n’y aurait de compassion que pour la souffrance du peuple juif », mais « initiative incongrue, méthode présidentielle morbide et inutile ». Et ainsi, la tension, monte encore, de quelques crans supplémentaires.

Concluons. « Je ne crois pas que l'on puisse imposer la mémoire », déclare Villepin. « Il n'y a personne qui a demandé une chose pareille », déclare Mélenchon. « Inutile de coller un fantôme comme un boulet derrière chacun », déclare Domenach. « Pourquoi susciter si évidemment le sentiment qu’il n’y aurait de compassion que pour la souffrance du peuple juif ? », déclare Antony. « Initiative incongrue, méthode morbide et inutile », déclare « l’historien spécialiste de l'Occupation » Rousso.

Si je résume tout ça, le mémorial de ces 11000 enfants déportés ne s’impose pas en la matière (Villepin). Personne n’a demandé une chose pareille (Mélenchon). Cette chose (Mélenchon) est en outre un fantôme doublé d’un boulet (Domenach). De toute façon, il n’y a de compassion que pour les Juifs (Antony). Et en définitive, le mémorial de 11000 enfants est incongru, morbide et inutile (« l’historien spécialiste de l'Occupation » Rousso).

Ou en est la culture judéo-chrétienne, ai-je eu la stupidité de demander le 5 février dernier. La réponse à la question est raide : 11000 enfants issus de la culture judéo-chrétienne, jetés dans l’enfer des camps d’extermination, ne sont que des choses, des fantômes et des boulets ; et faire leur mémorial est inutile, selon « l’historien spécialiste de l'Occupation » Henry Rousso. Purée, c’est vraiment la dèche en France. On devrait mettre un « historien spécialiste de l'Occupation » à la tête de l’Etat. Cela correspondrait mieux à l’humeur ambiante.

Post Scriptum : je ne déplore pas, évidemment, le principe même, du débat. D’ailleurs, celui-ci a lieu, également, au sein de la communauté juive. Ce que je déplore, en revanche, c’est la précipitation et la mauvaise foi, avec lesquelles, certaines personnes non juives, emploient, dans le cadre de ce débat, des termes, qui à mon sens, sont excessifs et déplacés.
Publié par Miguel Garroté à l'adresse 13:34 0 commentaires Liens vers ce message blog

jeudi 7 février 2008

LE CIRCUIT GAREL

Le circuit Garel, sauveur d'enfants juifs


Pour ce deuxième café historique de l'année, Katy Hazan, historienne, a retracé, mardi soir, au « Saint-Hubert », à Châteauroux, l'histoire du réseau clandestin ancré dans toute la zone sud de la France, dit « Circuit Garel ».



Dans l'assistance, plus de soixante-dix personnes. Certaines flirtent avec les 80, 85 voire 90 ans. Mais dans leur mémoire, les souvenirs restent frais. On se rappelle d'avoir côtoyé des familles juives et, dans l'ensemble, la population demeurait très discrète. « Si les trois-quarts des Juifs de France ont été sauvés, c'est grâce aux liens de la société civile », affirme d'entrée Katy Hazan. Parmi les nombreux réseaux qui ont permis de sauver des Juifs, l'OSE (Œuvre de secours aux enfants) a été la plus importante.
L'œuvre de secours aux enfants a été fondée en 1912 par un groupe de médecins afin d'améliorer l'état sanitaire de la population juive de l'empire tsariste. L'Union-OSE s'est installée à Paris en 1923. A partir du début de la Seconde Guerre mondiale, l'OSE s'étend sur tout le territoire français. Dès l'été 1942, les arrestations massives suivies des premières déportations obligent l'OSE à concevoir une stratégie pour convaincre les parents à disperser les enfants, leur fabriquer de fausses identités, trouver des personnes disposées à les cacher… tout en organisant des filières permettant de passer clandestinement les frontières. Le circuit créé par Georges Garel devait à partir de décembre 1942 choisir les institutions ou les familles d'accueil et maintenir les contacts avec les enfants cachés. « Le circuit Garel a pu mettre à l'abri 1.600 enfants », poursuit l'historienne.
A Châteauroux, Pierrette Poirier a aidé le circuit Garel. Elle a été déclarée « Juste entre les Nations » pour le sauvetage de deux adolescents et le placement d'une centaine d'enfants dans l'Indre.
« Pendant longtemps, j'ai pensé que les Français étaient antisémites, comme les Polonais, les gendarmes, ou les curés, avoue un homme. Mais grâce à des réunions comme celle-ci, je me suis aperçu qu'il y avait des hommes et des femmes de bonne volonté. L'humanité n'est ni noire, ni blanche. »

Prochain Café historique mercredi 19 mars à 18 h 30, au « Saint-Hubert », 25, rue de la Poste Sujet abordé : « Les anges dans le christianisme médiéval, images et fonctions », avec Philippe Faure, maître de conférences à Orléans.

Claire NEILZ

Publié par MICHELLE GOLDSTEIN

samedi 2 février 2008