jeudi 18 décembre 2008

ALLEMAGNE • S'attaquer enfin au fléau néonazi


"La vie est plus belle sans Nazis", dit la banderole de ces manifestants, Passau, 15 décembre 2008
AFP
L'attentat de Passau montre que l'extrême droite ne s'en prend plus seulement aux minorités, mais aussi à l'Etat. Une interdiction du NPD affaiblirait considérablement la mouvance.

Le débat sur l'extrême droite a quelque chose de rituel. Quand quelque chose d'extraordinaire survient, l'agression d'un étranger ou un grand défilé de néonazis, la colère enfle brièvement, puis le tumulte retombe. Les insultes constantes à caractère xénophobe, les graffitis et les profanations de cimetières passent désormais pratiquement inaperçus dans l'opinion publique. En Allemagne, l'extrémisme de droite est un problème que l'on préfère refouler. Du reste, il ne concerne jamais que "les autres", pour l'essentiel, la société ne se sent ni interpellée ni menacée.

La situation a cependant changé depuis la tentative de meurtre de Passau, le 13 décembre. Cette fois, ce ne sont pas de quelconques représentants des minorités qui ont été pris pour cibles. C'est l'Etat lui-même qui était visé, en la personne du chef de la police de Passau, Alois Mannichl. Cela n'a rien de nouveau. Depuis des mois déjà, les experts constatent que les actes de violence commis par les extrémistes de droite frappent sciemment des membres des forces de l'ordre. Les débordements de 1er mai à Hambourg n'en sont qu'un exemple. Mais jamais encore un représentant du pouvoir de l'Etat n'avait été victime d'une agression aussi ciblée. Ce faisant, la violence d'extrême droite acquiert une nouvelle dimension beaucoup plus menaçante. Et une chose devient claire. En Allemagne, l'extrémisme de droite est un ennemi de l'ombre dont le danger a longtemps été sous-estimé.

Cela tient d'une part à l'indigence intellectuelle de l'ensemble de la scène d'extrême droite. Même si, dans les rangs du Parti national-démocrate (NPD), des fonctionnaires habiles et policés battent la mesure, l'extrémisme de droite reste une affaire de crétins pour des crétins. C'est une décoction brute à base de racisme, d'antisémitisme, de chauvinisme et de glorification du passé nazi. Si les mobiles du fondamentalisme islamique font l'objet de débats acharnés, si les anniversaires du terrorisme de la Fraction armée rouge continuent d'alimenter rétrospectives et analyses, l'extrémisme de droite n'a pas sa place dans les pages de réflexion des journaux. C'est qu'il est trop idiot pour cela. Dans ces cercles-là, aucune réflexion qui mériterait que l'on argumente.

D'autre part, ce qui explique également que la mouvance soit sous-estimée est qu'elle ne joue aucun rôle dans les métropoles. L'extrémisme de droite est une affaire provinciale, mais certainement pas cantonnée à l'Allemagne de l'Est. Même à l'Ouest, on trouve des fiefs régionaux où la société a été sérieusement infiltrée par l'ultradroite, à tel point qu'elle s'y sent comme le proverbial poisson dans l'eau, parce qu'elle y est considérée comme faisant partie de la normalité. C'est aussi cela qui est effrayant dans l'agression de Passau. C'était un acte de vengeance né d'un sentiment de force subjectif, l'acte avait le caractère d'une exécution, qui n'a échoué que de peu.

Poser la question de l'étendue des réseaux de l'extrême droite, c'est poser automatiquement celle de l'existence du NPD. Le NPD sert de paravent légal aux extrémistes de droite de tout poil. Sa réaction à la tentative d'assassinat de Passau a été aussi révélatrice qu'insolente. Le responsable du NPD de Bavière, qui a condamné l'acte, a également déclaré qu'il comprenait qu'avec toutes les tracasseries de l'Etat, il y avait de quoi sortir de ses gonds. Face à de telles déclarations, il serait justifié de relancer sérieusement une procédure d'interdiction du NPD. Personne ne se fait d'illusion, cette interdiction ne mettrait pas fin à l'extrémisme de droite. Mais, pour des années, il réduirait de façon décisive le rayon d'action de ses partisans. Non seulement parce que leur base financière se tarirait, mais aussi parce qu'il ne serait dès lors plus possible de faire de l'agitation tout en étant protégé de la police sous couvert de consultations citoyennes et autres fêtes de quartier.
Peter Fahrenholz
Süddeutsche Zeitung

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