Rédaction en ligne
jeudi 13 mars 2008, 07:45
Sur la table de son petit appartement de Bedzin, une ville du sud de la Pologne, Stanislawa Sapinska, 90 ans, étale les différentes éditions du « Journal de Rutka Laskier » son amie juive dont elle a gardé secrètement le journal intime pendant 63 ans.
Reportage
« Pour moi ce fut un souvenir d’une amie, un souvenir très précieux, pas un document historique », raconte Mme Sapinska.
Jusqu’au jour où en 2006, elle a décidé de le montrer à son neveu. « On parlait de l’Holocauste. J’ai voulu lui prouver que j’en savais des choses et je lui ai fait lire le journal ».
« Tata, tu n’a pas le droit de le garder uniquement pour toi, c’est de l’histoire, m’a-t-il dit. Et tout a commencé ». Une première édition en polonais. Des éditions en hébreu, en anglais et en espagnol ont aussitôt suivi. La toute dernière en français est en vente depuis lundi en France.
L’histoire, que beaucoup compare à celle d’Anne Frank à Amsterdam, se passe à Bedzin sous l’occupation nazie. Une jeune fille juive de 14 ans tient son journal. Les Allemands ont chassé cette famille riche dans le quartier le plus pauvre de la ville où ils ont instauré un ghetto pour quelque 22.000 juifs. Les Laskier occupent une pièce dans la maison des Sapinski, qui en ont été chassés auparavant.
Rutka sent la déportation à Auschwitz et une mort inéluctable approcher.
« Tout cela n’est rien tant qu’il n’est pas question d’Auschwitz, de la fin. Quand arrivera-t-elle… ? », s’interroge-elle le 5 février 1943.
Contrairement à Anne Frank, Rutka sait bien ce qui peut lui arriver. Auschwitz est à peine distant d’une cinquantaine de kilomètres.
« Si Dieu existait, il ne permettrait pas qu’on jette les gens vivants dans des fours. Ou qu’on mette les petits enfants dans des sacs pour les gazer », écrit-elle.
« Rutka fut membre d’une organisation clandestine, un émissaire venait de Varsovie, apportant des nouvelles sur le front. On échangeait nos informations. On avait confiance entre nous », se souvient Stanislawa qui se lie d’amitié avec Rutka.
Rutka décrit des scènes d’horreur du ghetto qui s’entremêlent avec le récit des ses amours de jeune fille et ses rêves d’un premier baiser.
La dernière note date du 24 avril 1943. Peu après, Rutka est enfermée dans un ghetto encore plus petit, puis est déportée en août à Auschwitz.
Quelque mois après la liquidation du ghetto, les Sapinski reviennent dans leur maison. Stanislawa sort le journal de la cachette, un petit cahier vert. « Je l’ai lu et j’ai pleuré », se souvient-elle. « J’espérai encore qu’elle reviendrait, quelque jeunes ont réussi à s’évader », dit-elle.
Une fois le journal sorti de l’oubli, les traces de sa famille ont été retrouvées en Israël.
Seul le père de Rutka survécut. Yaacov Laskier fonda une nouvelle famille en Israël. Il mourut bien avant la publication du journal. Reste une demi-soeur de Rutka, Zahava Sherz.
La semaine dernière, l’Institut historique juif (ZIH) de Varsovie a retrouvé dans ses archives un document relatant les derniers moments de la vie de Rutka.
Zofia Minc, une codétenue arrivée à Auschwitz, le 16 décembre 1943, fut témoin de la mort de Rutka et l’a relatée dans une déposition après la guerre. « Dans notre bloc, je dormais à côté de mon amie, Rutka Laskier, de Bedzin. Elle était tellement belle, que même le Dr Mengele l’avait remarquée. Une épidémie de typhus et de choléra a alors éclaté. Rutka a attrapé le choléra. En quelques heures, elle est devenue méconnaissable. Elle n’était plus qu’une ombre pitoyable. Je l’ai moi-même transportée dans une brouette au crématoire. Elle me suppliait de l’amener jusqu’aux barbelés pour se jeter dessus et mourir électrocutée, mais un SS marchait derrière moi avec un fusil et il ne m’a pas laissé faire. »
TEXTE REPRIS DU SITE "LE SOIR"
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