mercredi 2 avril 2008

LA POLOGNE TENTE DE REPARER L'IRREPARABLE

Par Sam Anilevits pour Guysen International News

Autrefois berceau du judaïsme européen, la Pologne est progressivement devenue le pays d’Europe où la communauté juive a été la plus anéantie. Au total, ce sont plus de trois millions de juifs qui ont péri entre 1939 et 1945, laissant derrière eux richesses et biens. C’est pour tourner cette triste page de son histoire que l’actuel gouvernement polonais relance le débat sur la restitution des propriétés spoliées pendant la Shoah. Une question de justice morale, bien sûr, mais qui cache également un certain enjeu économique.

Après une année de retard, le gouvernement polonais veut poursuivre le débat sur la 'restitution des propriétés de la Shoah', pour arriver à un consensus d’ici la fin de l’année a affirmé l’ambassadeur polonais en Israël, Agnieszka Magdziak-Miszewska, dimanche 30 mars.

"L’idée de la loi, initiée et acceptée par le Parlement polonais il y a deux ans, est prête. Le gouvernement polonais espère maintenant parvenir à voter le projet de loi" a déclaré cette dernière dans un entretien avec des journalistes israéliens.

Le projet de loi a l’intention d’indemniser les anciens propriétaires à hauteur de 20 % de la valeur des maisons qui ont été complètement saisies ou détruites pendant la Seconde guerre mondiale.

La loi prend en compte les biens immobiliers de tous les habitants polonais, toutes religions confondues. D’ailleurs, la Pologne estime que les propriétés spoliées aux Juifs polonais ne représentent 'que' 20 % de la totalité des biens détruits.

Selon le gouvernement, la plus grosse revendication provient de la noblesse polonaise non-juive, dont les nombreuses propriétés, palais compris, ont été confisquées.

Le pourcentage peu élevé des biens appartenant aux Juifs polonais, s’explique par des raisons géopolitiques assez simples.
La majorité des espaces occupés par la population juive autrefois appartient désormais à l’Ukraine et les propriétés qui auraient pu être concernées par la loi ne relèvent donc plus de l’autorité polonaise.

Et pour cette dernière, il s’agit aujourd’hui de rendre justice à tous les dépossédés de la guerre. Toutefois, si la valeur morale de l’initiative est incontestable, elle a également un objectif économique.

En effet, en l’absence d’une base législative sur laquelle se fonder, certains requérants ont porté leur cas directement devant les tribunaux polonais, lesquels leur ont accordé une indemnisation de 100 % de la valeur des biens.

La Pologne préfère donc établir une indemnité avoisinant les 20 % par le recours législatif, plutôt que de devoir payer un dédommagement total par la voie des tribunaux.

"C’est aussi bien pour une question de justice morale que d’intérêts économiques que la Pologne doit mettre fin à ce problème" a d'ailleurs précisé la représentante polonaise.

Toutefois, la différence des indemnisations versées par le gouvernement et la justice pourrait pousser des milliers de polonais à préférer les tribunaux.

C’est pourquoi, la Pologne est actuellement en train de reconsidérer le montant de la compensation offerte. D’après un groupe de travail polonais, la valeur totale des propriétés saisie est estimée entre 16 et 18 milliards d’euros.

Les déclarations d’Agnieszka Magdziak-Miszewska précèdent la venue, le mois prochain, du Premier ministre polonais, Donald Tusk.
Sa visite, à l’occasion du soixantième anniversaire de l’Etat d’Israël, veut marquer les liens forts qui unissent actuellement la Pologne et Israël.

"Nous essayons de contrebalancer le traditionnel point de vue subjectif pro-palestinien en Europe" a déclaré l’ambassadeur lors de la conférence de presse, avant d’ajouter "que nos deux pays ont besoin l’un de l’autre".

A noter par ailleurs, que la visite du Premier ministre polonais coïncide avec l’inauguration de 'l’année polonaise' en Israël, lancée dans le but de renforcer les liens culturels entre les deux pays.

Des liens que n’a pas manqué de rappeler l’ambassadeur : " Nous avons besoin de travailler sur le futur, en se souvenant de la Shoah, mais aussi sur les 1000 années de coexistence entre nos deux peuples".

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