jeudi 12 juin 2008

LA DERNIERE CHASSE AUX NAZIS EN ARGENTINE

Buenos Aires
"C'est un dernier effort pour amener devant les tribunaux les criminels nazis encore vivants."



Olivier Ubertalli

La Presse

Collaboration spéciale

De 60 000 à 80 000 criminels de guerre se seraient réfugiés en Argentine. Une ultime traque vient d'être lancée pour débusquer ceux qui sont encore en vie.

Buenos Aires «C'est un dernier effort pour amener devant les tribunaux les criminels nazis encore vivants. Nous commençons l'opération en Argentine car c'est le plus grand pays d'accueil des criminels de guerre depuis la chute du Troisième Reich.»

Efraim Zuroff est directeur du centre Simon Wiesenthal, organisation internationale du nom d'un célèbre chasseur de nazis. Il a bien l'intention de dénicher les derniers nazis encore cachés en Argentine.

Entre requins et menu fretin, ce sont en effet de 60 000 à 80 000 Allemands, Autrichiens, Croates ou Lettons qui auraient un jour abordé les rives du Rio de la Plata.

Il y eut bien sûr Adolf Eichmann, le SS organisateur de la solution finale, arrêté en Argentine en 1960 par les services secrets israéliens du Mossad puis exécuté en Israël.

L'ange de la mort

La liste noire comprend aussi Josef Mengele, «l'ange de la mort» du camp d'Auschwitz, Erich Müller, collaborateur du chef de la propagande du IIIe Reich Joseph Goebbels, ou Eduard Roschmann, le «Boucher de Riga», responsable de la mort de 40 000 juifs en Lettonie.

Tous ces criminels ont posé le pied en Argentine dans les années 40 et 50 pour s'y fixer ou gagner des contrées plus lointaines comme le Chili, la Bolivie ou l'Uruguay.

Pourquoi donc ce pays? À l'époque, le gouvernement de Juan Domingo Perón, connu pour sa sympathie pour Benito Mussolini et Adolf Hitler, se montrait complaisant avec les tortionnaires.

Grâce à des passeports délivrés par la Croix-Rouge et l'ambassade d'Argentine à Vienne, ils pouvaient fuir loin, jusqu'en Patagonie par exemple. Erich Priebke, l'assassin des fosses Adréatines, dirigea durant 50 ans une maternité et le collège allemand dans la station de ski San Carlos de Bariloche.

Criminels serbes

Aujourd'hui, assure Efraim Zuroff, le centre Simon Wiesenthal veut emprisonner les vieux criminels sans «qu'ils ne profitent d'aucun statut particulier lié à leur âge, car ils n'ont eu aucune pitié envers leurs prisonniers». La principale cible est Aribert Heim, le «docteur de la mort» du camp de concentration de Mauthausen.

Outre les nazis, l'Argentine reste le refuge d'autres criminels de guerre désireux de se faire oublier. Milan Lukic, accusé d'avoir participé à l'assassinat en ex-Yougoslavie de 140 civils bosniaques musulmans entre 1992 et 1994, a ainsi été arrêté en 2005 au pied d'un immeuble de Recoleta, un quartier chic de Buenos Aires.

Muni d'un faux passeport, l'ex-paramilitaire serbe louait un appartement qu'il payait comptant en euros. «Je voulais rester ici avec ma femme et ma fille, et faire venir mon autre fille qui n'a pas de passeport», a-t-il expliqué au juge.

Un autre criminel, le Serbe Nebojsa Minic, accusé d'avoir dirigé l'exécution d'une quarantaine d'Albanais au Kosovo, a été capturé à Mendoza, ville située au pied de la cordillère des Andes. Ironie du sort ou humour noir: le fugitif avait ouvert une pizzeria baptisée «La Bomba», soit la bombe, en espagnol.

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