vendredi 18 juillet 2008

Des lois pour séparer les Juifs des autres Allemands

Le 15 septembre 1935, Hitler promulgue un ensemble de lois antisémites qui visent à séparer les citoyens juifs des autres Allemands.

Le Führer présente ces lois à Nuremberg, pendant le congrès du parti national-socialiste allemand (en abrégé, nazi), afin de bien signifier sa volonté d'aller de l'avant dans la mise en oeuvre d'une politique raciale.

André Larané

Des lois d'exclusion

Caricature nazie de 1936 stigmatisant les unions entre juifs et non-juifs En premier lieu, le dictateur prive les Juifs de la citoyenneté allemande.

Par la loi «sur la sauvegarde du sang et de l'honneur allemand», il leur interdit d'épouser ou de fréquenter des «Aryens», c'est-à-dire des citoyens allemands réputés de race pure. Les mariages mixtes antérieurs sont dissous. Il défend également aux juifs d'employer des Allemandes de moins de 45 ans !

«Pénétré de la conviction que la pureté du sang allemand est la condition de la conservation du peuple allemand et animé de la volonté inflexible de garantir la nation allemande à jamais, le Reichstag a adopté à l'unanimité la loi suivante qui est promulguée ci-après :
«article premier. Les mariages entre juifs et habitants du Reich de race allemande ou parents sont interdits. Les mariages qui auraient été contractés nonobstant cette interdiction sont nuls, même si, dans le dessein de tourner la loi, ils ont été conclus à l'étranger...
«article 2. Les relations en dehors du mariage, entre juifs et habitants de race allemande ou parents, sont interdites.
«article 3. Il est interdit aux juifs de faire travailler dans leur ménage des personnes de race allemande ou parents de sexe féminin, âgées de moins de 45 ans...»
Un illusoire retour à l'ordre

Dans un discours qui fait suite à la promulgation de ces lois, Hitler les justifie en assurant qu'elles devraient stabiliser les relations entre «Juifs» et «Aryens»...

des militants nazis organisent le boycott d'un magasin juif (1933 Dès le 1er avril 1933, un mois après sa prise de pouvoir, le dictateur a lancé un boycott des commerces tenus par des Juifs pour protester contre l'appel au boycott des exportations allemandes. Mais les violences antisémites se sont ensuite tassées... Si bien que des israélites allemands qui avaient fui le pays à l'avènement de Hitler osent y revenir.

Les militants nazis, dans leur impatience de voir l'Allemagne libérée des Juifs («judenfrei»), multiplient les exactions et les brimades à leur égard.

Sur un peu plus de 500.000 juifs allemands, il en restera encore près de 300.000 en 1938, quand les nazis organiseront le pogrom (*) de la « Nuit de Cristal », et un peu plus de 200.000 au début de la Seconde Guerre mondiale. Les autres auront pris la précaution d'émigrer avant qu'il ne soit trop tard, en faisant le sacrifice de leurs biens.

Trente mois après la prise de pouvoir par les nazis, les lois antisémites de Nuremberg inaugurent un processus d'exclusion qui va déboucher sur la «Solution finale de la question juive» et les crimes que l'on sait.

Genèse de l'antisémitisme nazi

Les lois antisémites de Hitler ne sont pas issues brutalement du néant. Elles sont le résultat d'un long processus qui a conduit de l'antijudaïsme médiéval à l'antisémitisme moderne.

Les chrétiens du Moyen Âge reprochaient aux juifs leur appartenance au «peuple déicide» mais les intégraient volontiers en leur sein lorsqu'ils choisissaient de se convertir. À la veille de la Grande Guerre (1914-1918), c'est encore en Allemagne que les israélites d'Europe se sentent le mieux intégrés !

Tout change avec la Grande Guerre et l'effondrement des valeurs religieuses traditionnelles. «L’effondrement de la foi chrétienne est nécessaire à la diffusion de l’idéologie antisémite moderne», observe l'historien Emmanuel Todd (L'invention de l'Europe, 1999).

L'antisémitisme hitlérien naît de la rencontre de deux mouvements d'idées, aussi pernicieux l'un que l'autre :
– d'une part l'antisémitisme d'essence nationaliste et socialiste qui fait du Juif le symbole du capitaliste cosmopolite et apatride,
– d'autre part le darwinisme social, une perversion de la théorie de la sélection naturelle de Charles Darwin.

L'antisémitisme se répand à la fin du XIXe siècle en Europe. Les milieux nationalistes, socialistes et laïcs qui dénoncent le pouvoir de l'argent, exaltent les vertus des classes laborieuses et pratiquent le culte de la Nation, opposant cette dernière au cosmopolitisme judaïque et bourgeois, à l'universalisme chrétien ainsi qu'à la royauté, qui transcende les identités nationales. La banque Rothschild, présente à Londres, Paris, Vienne et Francfort, devient pour les nationalistes comme pour les socialistes le symbole vivant du juif cosmopolite qui suce le sang des peuples.

Dans le même temps, sous l'influence du darwinisme social, il paraît légitime aux Européens «de progrès» que les êtres les plus faibles disparaissent et laissent la place aux êtres les mieux armés pour survivre, au nom de la sélection naturelle. Cette démarche scientiste s'avère en totale rupture avec l'éthique chrétienne qui avait jusque-là dominé en Europe.

En 1922, le gouvernement social-démocrate de Suède permet à l'administration de stériliser d'office les personnes simples d'esprit ou handicapées sans que cela choque le moins du monde l'opinion éclairée d'Europe. Une décennie plus tard, Hitler, en Allemagne, édicte à son tour des lois similaires contre les handicapés. Il suffit ensuite au Führer d'étendre les lois d'exclusion aux Juifs, considérés d'une certaine manière comme des handicapés de la nationalité. Au début de la Seconde Guerre mondiale, les nazis ne se contentent plus de stériliser les handicapés mais entreprennent de les exterminer.

Aussitôt après vient le tour des Juifs. Le processus est planifié à l'échelle industrielle le 20 janvier 1942 à Wannsee, au plus fort de la Seconde Guerre mondiale.

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