mercredi 24 octobre 2007

LA SHOAH , DU POINT DE VUE DE LA RESISTANCE

La Shoah, du point de vue de la résistance
L’ouvrage de Bernard Suchecky montre toute l’importance des combats opiniâtres menés par les populations juives contre le génocide.
Résistances juives à l’anéantissement, par Bernard Suchecky. Éditions Luc Pire, 2007, 264 pages, 45 euros.(Avec le concours de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et du B’nai B’rith Europe.)
Voici un ouvrage remarquable. D’abord par sa conception : il s’agit de revoir le génocide des juifs à travers les résistances juives (l’auteur, historien, spécialiste du monde yiddish, insiste sur le pluriel) à partir des documents de tout ordre (lettres, journaux intimes, plus de 230 photos, tracts, publications…) produits et conservés par ceux-là mêmes qui étaient voués à la mort. Non sans raison, l’auteur souligne que la tendance, en soi légitime, à voir le génocide à travers l’oeuvre de mort des bourreaux a entraîné des effets pervers : crispations identitaires, victimisation et, surtout, minoration du combat permanent des juifs contre leur destruction. Sans tomber dans le piège de l’héroïsation, l’auteur veut donc rétablir l’équilibre, montrer qu’à partir de situations locales ou générales différentes les juifs ne sont pas allés comme des moutons à l’abattoir.
L’ouvrage accroche ensuite par sa construction : chaque partie s’achève par un abondant dossier iconographique qui n’est pas seulement illustratif : les documents présentés, très divers, souvent d’une très grande force, montrent une extraordinaire volonté de vivre, de survivre, de témoigner, de se battre, et s’intègrent de fait au récit historique initial - ce que favorise l’approche thématique voulue par l’auteur. L’ouvrage se déploie ainsi en cinq séquences. « Documenter » explore la volonté de faire connaître la préparation et la réalité de l’anéantissement en rassemblant des traces documentaires délibérément produites dans le but de témoigner : journaux intimes, archives clandestines, chroniques, individuelles ou collectives, photographies. À l’appui, de nombreux exemples, à l’Est et à l’Ouest, dont la fondation du CDJC en France, en 1943 à Grenoble et, en URSS, le Livre noir piloté par Ilya Ehrenbourg.
« Informer, alerter » évoque la bataille de l’information pour surmonter l’ignorance, l’incrédulité, l’illusion, face aux massacres de masse, aux chambres à gaz, aux camps : par de multiples voies, les informations aux Alliés n’ont pas manqué, à l’Ouest comme à l’Est. L’auteur décrypte la réalité et les limites de leur utilisation et de leur impact (cf. notamment les paragraphes sur l’URSS).
« Que faire ? » montre comment il faut « ruser avec la mort », d’où diverses et difficiles stratégies de survie, de la soumission au moins apparente à la rébellion, occasion d’évoquer l’attitude des institutions dirigeantes juives, entre compromission, entraide et résistance.
« Se sauver » souligne combien les solutions sont diverses : rester sur place et tenter de se rendre en quelque sorte invisible (à l’Est, dans les ghettos ou en dehors), réseaux de sauvetage, filières de fuite vers des pays havres, où l’accueil n’est pas forcément chaleureux, il s’en faut.
Enfin, « combattre », se lancer dans la lutte armée, aux côtés des partisans soviétiques, dans des camps familiaux juifs dans la forêt (Lituanie, Ukraine, Biélorussie), dans les mouvements de résistance (Pologne, France, Belgique, Yougoslavie) ; et bien entendu se battre aussi à l’intérieur même des camps.
Au terme de cet ouvrage, on fait sienne une remarque de l’auteur : compte tenu des conditions abominables de leur vie sous la férule nazie, il est tout à fait remarquable que les juifs aient autant résisté, sous forme organisée ou individuellement, avec les moyens du bord, et ne fût-ce que pour, simplement, laisser une trace, témoigner. Ce livre contribue à redonner confiance dans les capacités humaines à refuser l’intolérable.
Roger Bourderon historien

Publié par MICHELLE GOLDSTEIN

Libellés : Bernard Suchecky, du point de vue de la résistance, La Shoah, Roger Bourderon,

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