samedi 31 mai 2008

" NOUS POUVONS VIVRE SANS LES JUIFS "

Quand et comment ils décidèrent de la Solution finale


Nous avons lu pour vous «Nous pouvons vivre sans les Juifs», Novembre 1941
Quand et comment ils décidèrent de la Solution finale
par Édouard Husson
(Perrin, 2005, 180 pages, 16 euros)

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Hitler se proposait de chasser les Juifs d'Europe ou de les déporter à Madagascar. Puis émerge peu à peu l'idée de leur extermination physique systématique.

Édouard Husson, chercheur reconnu sur la période du nazisme, enquête sur le processus qui a mené à la Shoah. Indispensable pour qui veut comprendre... l'incompréhensible.


«Nous pouvons vivre sans les Juifs»

L'extermination de six millions de juifs européens, entre 1941 et 1945, est le crime le plus terrifiant de l'histoire de l'humanité. Il s'est déroulé en pleine guerre mondiale, dans des conditions d'autant plus mystérieuses qu'il n'y eût jamais d'ordre écrit de Hitler et de ses acolytes en vue de son exécution.

Édouard Husson se penche sur les mois dramatiques de 1940-1942 durant lesquels les chefs nazis ont évolué de l'idée d'expulser les Juifs d'Europe à celle de les exterminer.
Échec des projets de déportation

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, Hitler, mû par un antisémitisme obsessionnel, caresse l'idée de chasser tous les Juifs d'Allemagne et pourquoi pas ? de créer une réserve quelque part en Afrique ou à Madagascar. L'idée ne scandalise pas outre-mesure les contemporains ; Staline n'a-t-il pas créé aux confins de la Mongolie une pseudo-République du Birobidjan pour ses propres juifs ? Les Occidentaux, sollicités par les nazis de trouver une «solution» pour les Juifs allemands, se réunissent à Évian en juillet 1938 pour en parler. Malheureusement se font jour à cette occasion leurs réticences à accueillir les réfugiés juifs (crainte du chômage,...).

Quand s'approche le conflit, Hitler durcit le ton et, dans son discours du Reichstag du 30 janvier 1939, évoque pour la première fois de façon la perspective d'une «extermination de la race juive». Non seulement les nazis doivent différer le projet de déporter à Madagascar les Juifs qui se trouvent encore en Allemagne mais ils doivent traiter aussi les millions d'israélites des territoires qu'ils ont envahi, en Pologne et en Tchécoslovaquie.
Vers une «réserve juive» en Pologne

Dès l'agression de la Pologne, en septembre 1939, Heydrich, le chef des services secrets allemands, donne l'ordre de liquider la couche dirigeante polonaise (intellectuels, cadres, clergé,...). Par ailleurs, il constitue une «réserve juive» dans la partie la plus inhospitalière du pays, en vue d'y déporter les Juifs du Reich. Les nazis justifient l'opération par la nécessité d'accueillir en retour les Allemands rapatriés d'URSS, de Roumanie et d'ailleurs. Cet absurde chassé-croisé tourne au cafouillage.

Le 25 mai 1940, Himmler, sur instruction de Hitler, projette d'organiser en Pologne un «triage racial» en restreignant l'enseignement secondaire aux enfants «racialement purs». Édouard Husson relève un commentaire du chef de la SS : «Aussi cruel et tragique que soit chaque cas particulier, une telle méthode est la plus douce et la meilleure si l'on refuse, par conviction profonde, la méthode bolchevique de l'élimination physique d'un peuple comme contraire à la germanité et impossible» (page 60). Ce propos montre que Himmler a déjà envisagé à cette date l'hypothèse de l'élimination physique d'une race (Juifs ou Polonais) mais qu'un reste de scrupule moral le dissuade de passer à l'acte.

Même réflexion chez Heydrich à l'été 1940 : «Les juifs sont nos ennemis vu notre conception de la race. Nous devons les éliminer. Une extermination biologique serait cependant indigne de l'Allemagne comme nation de haute culture. Après la victoire, nous demanderons par conséquent aux puissances ennemies de faire servir leur flotte à l'envoi des juifs et de leurs effets à Madagascar».

Le projet de déportation à Madagascar est encore considéré comme plausible dans l'hypothèse d'une victoire rapide sur la Grande-Bretagne.
Embourbement en Russie

Là-dessus survient en juin 1941 l'invasion de l'URSS. Hitler espère en finir au plus vite avec Staline et composer ensuite avec l'entêté Churchill. Cependant que les escadrons SS entament les premiers massacres de Juifs dans les zones slaves conquises par la Wehrmacht, Hitler envisage de déporter plus tard les derniers Juifs d'Europe en Sibérie. Mais son calcul est une nouvelle fois déjoué par la résistance russe. A défaut de pouvoir déporter les Juifs hors d'Europe, les nazis vont les exterminer sur place.

Dans ces conditions prend forme début novembre 1941 la «Solution finale de la question juive» et la mise en place de camps d'extermination en Pologne. Dans cette présentation du processus, la «conférence de Wannsee» qui réunit plusieurs chefs nazis en janvier 1942 n'a d'autre but que de rationnaliser les transports des malheureux. Eichmann écrit dans son compte-rendu de la conférence: «Désormais, à la place de l'émigration, la nouvelle solution, avec l'aval préalable du Führer, est l'évacuation des Juifs vers l'est (...). Au cours de la solution finale de la question juive en Europe, seront à prendre en compte environ 11 millions de juifs...».

Il n'est pas ouvertement question dans ce procès-verbal (ni ailleurs) d'extermination physique pour ne pas effaroucher les fonctionnaires allemands dont beaucoup auraient refusé de participer à un projet clairement génocidaire, ainsi que le note l'historien.

La logistique se mettant rapidement en place, les nazis n'auront qu'à reprendre les méthodes de meurtre mises au point pour l'élimination des handicapés mentaux dans les mois antérieurs...
André Larané

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